Lorsque l’on parle de jeux vidéo et des enfants, il est une question qui
revient souvent : les jeux vidéo ne sont-ils pas un obstacle au jeu ? Ces jeux
occupent tellement les enfants que l’on peut se demander s’ils ne les pas de
tous les autres jeux. C’est une question importante, car le jeu est un composant
majeur du développement de l’enfant.
Le jeu offre en effet un espace dans lequel il peut s’essayer à
différents rôles et aux obligations sociales qui leur sont attachées. Il peut
également mettre au travail des éléments de sa vie affective et imaginaire. Ses
désirs et ses anxiétés trouvent une représentation et l’enfant apporte à
l’intérieur de ses jeux aux problèmes qu’ils posent des solutions. Par exemple,
le jeu du papa et de la maman permet de prendre sans trop de culpabilité la
place d’un parent, d’explorer des questions autour de la sexualité, de la
procréation, ou de la conjugalité. A l’intérieur du jeu, il arrive souvent que
l’enfant fasse preuve de capacités qui ne sont pas encore de son age. Il permet
d’utiliser des formes de pensée qui ne lui est pas encore accessible (VIGOTSKY,
1978). Il est également un jeu est un précurseur de la conscience narrative de
l’adulte (SINGER & SINGER)
Mais que devient le jeu avec les ordinateurs, les consoles, les
smartphones ? Il existe de nombreuses études sur les effets des jeux vidéo sur
la pensée ou la vie affective des enfants, mais ces recherches concernent des
enfants déjà grands. Nous disposons de peu de connaissances sur les enfants plus
jeunes. Pourtant, les enfants sont exposés de plus en plus précocement aux
matières numériques. Quel est l’effet des jeux vidéo chez des enfants pour qui
le jeu symbolique est en train de se mettre en place ? Quel est l’effet des jeux
vidéo sur le développement des enfants et plus spéficiquement sur le jeu libre
et symbolique. C’est à ces questions que répond la recherche menée en science de
l’éducation par Irina Verenkina et Jan Herrington à l’université de Wollongong
(Australie) .
La recherche est organisée autour de l’observation de deux enfants de 5
et 7 ans. Les enfants sont observés dans leurs situations de jeu avec les jeux
vidéo préalablement choisis. Les enfants utilisent les éléments des jeux vidéo
dans leurs interactions. Les enfants parlent de leurs jeux vidéo entre eux et
ils jouent en "faire-semblant" leurs jeux vidéo. Par exemple, ils font semblant de s’occuper de
chiens comme dans le jeu Dogz
Les jeux vidéo de simulation et d’aventure sont les plus susceptibles à
être utilisés dans les jeux du fait de leurs affordances. D'une part, ce sont
des jeux qui se rapprochent des jeux libres de l’enfant. D’autres parts, ils ont
des caractéristiques spéficiques qui soutiennent l’intérêt de l’enfant pendant
tout le jeu. En effet, ce sont des jeux qui sont intrinsèquement amusants. La
réussite n’est pas leur but premier. Ils sont souvent liés à la vie de tous les
jours. Ils permettent la manipulation de symboles et d’images. Ils sont
interactifs. Ils permettent à l’enfant de voir des transformations. Ils sont
d’une complexité croissance et ils accompagnent l’enfant en lui donnant des
conseils et des directions.
Pour les chercheurs, ce résultat montre que les jeux vidéo ne sont pas
des obstacles au jeu symbolique des enfants. Ces derniers peuvent s’appuyer sur
les éléments du jeu vidéo pour construire leurs propres jeux. Ils important dans
leurs espaces imaginaires les briques imaginaires données par les jeux vidéo. Ce
travail de déplacement et de métaphorisation leur permet de faire un travail
d’assimilation dans deux directions différentes. Le premier est tourné vers le
jeu vidéo. Il permet de s’approprier totalement les différents aspects du jeu.
Les discussions avec les autres enfants permettent d’intégrer le vocabulaire
technique, de se remémorer le nom des personnages, la topologie des lieux etc.
Le second est tourné vers des questions psychoaffectives. Un jeu comme Dogz
permet à l’enfant de retrouver une situation qui lui est connue : un grand prend
soin d’un petit.
Pour les parents, les résultats de cette recherche sont doublement
précieux. Ils permettent tout d’abord d’être rassuré. Les jeux vidéo ne sont pas
des obstacles au développement de la capacité à jouer et à imaginer des enfants.
Ces derniers ont même tendance à utiliser les jeux vidéo dans leurs jeux.
Autrement dit, les jeux vidéo sont mis au service du jeu symbolique que l’enfant
développe naturellement.
La recherche menée par Irina Verenkina et Jan Herrington permet également
aux parents de comprendre que lorsque les enfants jouent aux jeux vidéo, ou
qu’ils parlent de leurs jeux vidéo, ils font quelque chose de très important.
Ils construisent leur propre représentation du jeu vidéo. Ils en font autre
chose. Beaucoup de parents s’inquiètent de ce que leur enfant joue immédiatement
avec des Playmobils ou des Legos ce qu’il vient de jouer avec sa console.
D’autres ne veulent pas encore les histoires de guerre ou de gangster parce
qu’ils sont saturés des images violentes qu’ils ont vue sur le téléviseur
pendant que l’adolescent jouait. Pourtant, c’est à ce moment que l’enfant finit
le travail de symbolisation du jeu. Il traduit en gestes avec des jouets ou en
paroles pour quelqu’un d’autre ce qu’il a joué avec des images. Ce travail est
au contraire à soutenir. Les parents doivent encourager leurs enfants à leur
parler de leurs parties, de leurs réussites, et des déceptions vécues au travers
des jeux vidéo
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