samedi 25 février 2012

Psychologie (en fauteuil) des dictateurs

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En 2007, Coolidge et Segal ont mis autour d’une table six experts. Il leur a été demandé d’évaluer à l’aide du DSV-IV des traits ou des syndromes psychopathologiques. Il en est sorti une étude sur les traits de personnalité de Hitler et Mussolini.

Hitler a recueilli un consensus sur les traits suivants: paranoia, personnalité antisociale, personnalité narcissisque, sadisme. Les traits de personnalité du halo schizophrénique ont été notés par les auteurs du fait d’une grandiosité excessive et d’une pensée aberrante.

La même méthode a été utilisée pour Sadam Hussein, puis pour Kim Jung II. Le dictateur irakien aurait des traits de personnalités schizophréniques.  La méthode des corrélations  montre que son profil est proche de celui établit pour Adolf Hitler (.79)

De leurs études, Coolidge et Segal tirent une constellation de six traits de personnalité qui seraient la base de la personnalité des dictateurs : le sadisme, des traits antisociaux, la paranoia, le narcissisme, des traits schizoides et schizotypiques

 

Quelque chose me dit que le même traitement pourrait être réservé à Batman, Spiderman, Wolverine, Iron Man et Naruto.


pdf-file-logo-icon (1)Frederick L. Coolidge* and Daniel L. Segal Is Kim Jong-Il like Saddam Hussein and Adolf Hitler? A personality disorder evaluation.  Behavioral Sciences of Terrorism and Political Aggression Vol. 1, No. 3, September 2009, 195–202

jeudi 23 février 2012

Représentation des angoisses adolescentes dans les films cultes

L’adolescence est un moment catastrophique à la fois par l’ampleur des changements mis en jeu et par leur rapidité. Les films cultes portent les traces de ces bouleversements psychiques dans les thèmes qui sont abordés, mais aussi dans la manière dont l’espace est traité.
Sébastien Dupont montre que les films cultes chez les adolescents mettent en avant plusieurs types d’espaces : l’immensité et le vide, les espaces enfouis, les espaces intermédiaires et les limites de l’espace humanisé.
Les immensité que les films comme Star Wars mettent si bien en valeur correspondent au sentiment de l’adolescent qui perçoit un monde nouveau. Quittant le monde de l’enfance, l’adolescent qui voit l’infini des possible s’ouvrir à lui est saisit de vertiges. L’espace peut dont aussi être perçu comme vide ou insuffisamment soutenant. L’angoisse de ne plus être soutenu par les parents ou l’environnement est alors traduite dans des images de gouffres sans fin dans lesquels le héros risque sans cesse de tomber. Parfois, le vide est objet de défis : il est alors le support de rêveries associées au vol comme dans Top Gun (Tony Scott, 1986) ou dans Star Wars lorsque le personnage maitrise “la force”
Aux immensités s’opposent dans l’imaginaire adolescent les espaces réduits et confinés. Ces espaces renferment des peurs infantiles : peur d’être enfermé, enterré, écrasé, mangé … Elle sont figurées par les situations dans lesquelles le héros se retrouve dans un environnement confiné dont les limites se réduisent peu à peu : l’enterrement de Black Mamba dans Kill Bill, l’emprisonnement de Luke et ses compagnons dans L’empire contre-attaque (Irvin Kershner, 1980) en sont deux exemples
Les espaces peuvent aussi être des espaces intermédiaires. Beaucoup d’actions se déroulent dans des espaces qui ne sont ni l’inconnu des immensités vides, ni le trop connu des espaces clos. Ce sont des espaces publics, anonymes, intermédiaires entre le connu et l’inconnu. Les squats dans Le péril jeune en sont un exemple.
Enfin, les films cultes adolescents mettent en scène un dernier type d’espace. Ce sont les limites de l’espace viable et/ou humain qui sont alors représentés. Ils expriment le désir inconscient de retourner à un état de nature imaginaire qui serrait libéré des pesanteurs des relations interhumaines. Le grand bleu (Luc Besson, 1988) met en scène ce fantasme dans l’abandon de Jacques aux profondeurs de la mer.
Ainsi, le culte que vouent les adolescents a certains films tiennent au fait qu’ils traitent de leurs angoisses. La répétition des visionnages, l’apprentissage par cœur des dialogues leur permet de traiter petit à petit les angoisses profondes auxquels les soumettent le processus adolescent. Les représentation de d’espaces trop grands ou trop vides, trop étriqués, enfouis, intermédiaires ou vides de la présence humaine leur permettent de traiter les angoisses d’une psyché insuffisamment tenue , ou trop à l’étroit dans un corps, d’avoir des représentations de ce qui se passe à l’intérieur de soi (le corps comme caverne primitive), de se trouver des lieux ni trop proches ni trop lointains, ou rêver d’une vie loin de l’industrie humaine.

pdf-file-logo-icon (1)Dupont S. (2010) Les représentations adolescentes de l’espace dans les films cultes : l’immensité, le vide, les espaces enfouis, intermédiaires. In Jocelyn Lachance, Hugues Paris, Sébastien Dupont Film Culte et culte du film chez les jeunes 
Sébastien Dupont blogue sur http://blogadolescence.canalblog.com

jeudi 16 février 2012

Psychothérapie et séduction dans la culture populaire et dans le champ clinique

On se souvient que le Docteur Paul Weston, psychothérapeute de son état, souffre de la tendre inclinaison qu’il a pour une de ses patientes. Le cas n’est pas limité à la fiction. Un sondage effectué en 2006 après de 575 psychothérapeutes montre que 87% d’entre eux ont été attirés sexuellement par un patient. Un minorité non négligeable (9,4% des hommes et 2,5% des femmes) sont passés à l’acte. L’attirance sexuelle provoque des sentiments de culpabilité, de l’anxiété ou de la confusion, pourtant près de la moitié des psychothérapeutes concernés n’ont pas cherché de l’aide.

psychothérapie et séduction dans la culture populaire

Dans la culture populaire, les relations psychothérapeute patient ont souvent été mise en avant. Très récemment, les relations entre Karl Gustav Jung et Sapina Spielrein ont fait l’objet d’un film qui montre à quel point la psychanalyse pouvait être “une méthode dangereuse”

Les dangers de la séduction sont assez récurrents dans la culture populaire. Le cas le plus fréquent est celui d’une psychothérapeute femme séduisant un patient homme.  27 films concernent ce cas de figure, tandis que le cas de psychothérapeutes hommes séduisant une patiente sont moins nombreux (15). Je ne connais pas de cas de séduction homosexuelle.

Psychothérapeute femme séduisant un patient (d’après Glen O. Gabbard, Krin Gabbard )

  • Spellbound (1945)
  • High Wall (1947)
  • Dead heat an a Merr-Go-Round (1966)
  • Zelig (1983)
  • From beyond (1986)
  • Hunk (1987)
  • Mr. Jones (1993)
  • Tin Cup (1996)
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    Psychothérapeute homme séduisant une patiente (d’après Glen O. Gabbard, Krin Gabbard )

  • Carefree (1938)
  • Lilith (1964)
  • Lovesick (1983)
  • Bad Dreams (1988)
  • Husband and Wifes (1962)
  • The Net (1995)
  • Bliss (1997)
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    Ces films mettent en image un fantasme de séduction, c’est à dire une “scène réelle ou fantasmatique, où le sujet (généralement un enfant), subit passivement, de la part d’un autre (le plus souvent un adulte), des avances ou des manœuvres sexuelles” (Laplanche et Pontalis). Ces fantasmes de séduction sont en lien avec le complexe d’Œdipe. La séduction est qui le plus souvent mise en scène est une séduction maternelle. On pourrait la traduire ainsi : “une mère séduit un fils”. Est-ce du fait que la situation de psychothérapie est une situation de soin, et que par conséquent elle rappelle les soins qu’une mère donne à son enfant ?

     

    Psychothérapie et séduction dans le champ clinique

    Carol Martin a exploré la question  en utilisant la méthode clinique. 13 psychothérapeutes (7 hommes), dont deux psychologues cliniciens et deux psychanalystes ont été interrogés sur la manière dont ils ont pu être attirés sexuellement par des clients, et la manière dont ils ont géré la situation. Tous s’accordent à reconnaitre les moments ou les frontières sont franchies mais le consensus est moins évident lorsqu’il s’agit de fantasmes.

    L’attirance sexuelle est considérée comme normale et non nécessairement dommageable pour le patient mais le consensus devient moins précis lorsqu’il s’agit de définir ou commence et ou se termine l’attirance sexuelle. Pour certains, les fantasmes du psychothérapeute sont problématiques, pour d’autres ils font partie du processus psychothérapeutique et doivent être pris en compte par le psychothérapeute. Le psychothérapeute doit prendre conscience de l’attirance sexuelle et des affects qui y sont associés (anxiété, culpabilité, honte) et traiter la question d’une façon qui soit finalement bénéfique pour le patient.

    La crispation sur le cadre du traitement est le signe d’un échec de ce processus. Il produit par ailleurs souvent chez le patient l’impression d’être rejeté et peut conduire à une fin prématurée de la psychothérapie. Les postures moralisatrices ou omnipotentes, la projection sur le client des désirs sexuels, les passages à l’acte sous forme de caresses, d’étreintes, les rencontres en dehors du  cabinet en sont d’autres signes

     

     

    pdf-file-logo-icon (1)Martin, C., Godfrey, M., Meekums, B., and Madill, A. (2011). Managing boundaries under pressure: A qualitative study of therapists’ experiences of sexual attraction in therapy. Counselling and Psychotherapy Research, 11 (4), 248-256 DOI: 10.1080/14733145.2010.519045

  • mercredi 8 février 2012

    Plus le réseaux Internet se développe, plus nous avons besoin de nous occuper des enfants

    Sigmund Freud, Racconti analitici, Lorenzo Mattotti, Millenni Einaudi 2011Le réseau Internet a une place et une importance qu’aucun média n’a eu avant lui parce qu’il est d’abord un réseau des usagers pour les usagers. Je n’ignore rien du fait que les grandes compagnies comme Google, Facebook, ou Microsoft ont un poids très important sur le réseau et ses utilisateurs  ni que des gouvernement peuvent intervenir de façon sensible sur l’Internet. Mais parce que le réseau permet de faire des choses et d’en avoir une image, il est régulièrement utilisé comme  bac à sable et comme miroir.

    Utilisé comme bac à sable, le réseau permet d’expérimenter des modalités de rencontre et de séparation avec l’autre. L’Internet permet de dessiner encore une fois une carte du tendre, avec ses codes amoureux pour les premières fois comme pour les ruptures. Le réseau permet d’avancer dans une relation à son rythme, et d’être respectueux du rythme de l’autre.

    Comme miroir, le réseau permet de valider certains aspects de soi. L’intimité y est vécue moins en relation avec l’espace et davantage en relation avec l’intentionnalité (Tisseron, 2011). Autrefois, l’inimitié était bâtie autour d’espace (la maison, les toilettes, la chambre) et de fonctions corporelles (dormir, faire l’amour, ). Elle concerne aujourd’hui aussi des espaces dématérialisés (comptes emails, réseaux sociaux)

    L’internet offre donc des possibilités mais celles ci ne peuvent véritablement être utilisées que si l’individu a les outils psychologiques pour les utiliser.

    La rencontre avec l’autre et la valorisation de certains aspects de soi se construisent dans les premières interactions avec de l’enfant avec sa famille. L’intimité ne se construit que si les soins ont été suffisamment chastes,  que le corps de l’enfant, ses territoires physiques et psychologiques ont été respectés comme des territoires inviolables. L’estime de soi dépend à la fois de l’investissement des parents et de la manière dont ils acceptent que l’enfant les désidéalise peu à peu.

    Si la construction de soi est insuffisante, la rencontre sur Internet se gâte ou n’a pas lieu. Le pseudonymat n’est plus une occasion d’exploration de soi ou des autres, mais l’occasion d’attaques agressives ou perverses. Les autres ne sont plus des partenaires pour la communication, mais investis comme des objets dont on peut librement disposer. L’internet est moins un espace social dans lequel chacun se présent qu’une arène dans laquelle il s’agit de recevoir les vivats de la foule.

    Il est évident que les adultes de demain auront à faire quotidiennement avec l’Internet. il me semble tout aussi évident que nous devons préparer les enfants d’aujourd’hui.  Cette préparation ne pas par des sensibilisations aux matières numériques, comme les twittclasse. Les Twittclasse sont des expériences à soutenir et a développer. Mais il faut aussi agir en amont.

    En effet, pour pouvoir utiliser des objets dématérialisés, il faut avoir joué suffisamment longtemps avec des matières solides. Il faut avoir joué avec de la terre et ses aliments pour pouvoir utiliser de façon créative les images d’objets qui sont dans le cyberespace. Il faut avoir l’expérience de la sensorialité du prendre, du lâcher, du faire trace pour éviter d’utiliser l’Internet comme un réservoir à sensations. Il faut avoir une expérience suffisamment bonne de la séparation, pour éviter de rester collé a un écran a attendre encore-une-autre-mise-à-jour. Il faut avoir une construction de la relation suffisamment solide, pour résister aux tentations de manipulation, d’agression ou d’humiliation de l’autre. Tout cela se construit tout au long de la vie, mais les fondations en sont posées dans les premières années.

    Plus les adultes interagissent dans un monde dématérialisé, plus il est important qu’ils aient vécu comme enfants des expériences satisfaisantes avec des objets et l’environnement humain.

    vendredi 27 janvier 2012

    Jeux vidéo : donner des limites n’est pas suffisant

    “Combien de temps les enfants peuvent-ils jouer aux jeux vidéo” est la question qui m’est invariablement posée lorsque j’interviens sur ce thème.

    Ma réponse est tout aussi invariable : le temps nécessaire et suffisant. Lorsque les choses se passent bien, l’enfant qui joue expérimente la sensation que quelque chose s’est réalisé. Le jeu est terminé. Il a rempli son office qui est de permettre à l’enfant d’intérioriser une expérience subjective. Cela peut être un rôle, un interdit, un désir, un idéal. C’est une expérience importante, car lorsqu’elle n’est pas vécue, c’est à dire lorsque le jeu est interrompu trop précocement, les bénéfices du jeu sont en partie gâtés.

    Cette expérience complète a été décrite par le psychanalyste D. W. Winnicott avec le jeu de la spatule. Lorsqu’une spatule est posée à portée de main d’un enfant de quelques mois, il passe par plusieurs étapes. Au départ, il commence par percevoir l’objet et il témoigne d’hésitations à s’en emparer. Dans un second moment, le désir de posséder la spatule grandit et l’enfant finit par la porter à sa bouche. Il joue avec l’objet et avec les partenaires humains de la situation. Enfin, dans un troisième temps, il abandonne le jeu et l’objet. La situation complète peut se répéter  plusieurs fois. le cycle complet est important car il permet à l’enfant de  prendre confiance en lui et en son environnement.

    Pendant le cycle, l’enfant met ses désirs (prendre, mordre, mettre à la bouche, faire du bruit) à l’épreuve des personnes présentes et de ses images internes. S’il désire l’objet, peut-être est ce que les autres aussi ? Que vont dire/faire sa mère et le docteur ? Peut-on jouir pleinement de cet objet ? Est ce que prendre possession de l’objet lèse quelqu’un ? Vivre le cycle complet signifie que l’enfant est capable de vivre une expérience de plaisir, et au mieux de plaisir partagé, sans empiètement de l’angoisse ou de la culpabilité.

    Cette expérience se retrouve avec l’enfant et les jeux vidéo. En effet, les jeux vidéo sont au moins aussi attrayants pour un enfant que l’est une spatule brillante pour un bébé de 6 mois. Les conduites, et les obstacles sont les même. L’enfant a envie de jouer, il craint la réprobation des parents, hésite, évalue s’il remplit convenablement les conditions pour jouer. Puis il se lance. Il prend allume la console, prend le contrôleur de jeu en main, et se cale confortablement. Une fois la partie lancée, il joue avec plaisir. Puis, le plaisir de jouer se fait moins intense du fait d’éléments externes ou internes. D’autres possibilités de jeu peuvent apparaitre, ou l’enfant a rencontré dans le jeu une difficulté qu’il n’a pas surmonté, ou il n’a tout simplement plus le gout de jouer. Le cycle est alors complet.

    Pour les parents, il y a plusieurs difficultés. La première est que le cycle de jeu vidéo complet est très variable selon le jeu considéré. Il peut durer quelques dizaines de minutes pour un casual game  a quelques heures pour un MMORPG comme World of Warcraft ou Star Wars : The Old Republic. Cela tient au fait que les MMORPG sont des environnement beaucoup plus complexes car ils font intervenir des partenaires humains. Chaque joueur est donc dépendant des aléas de ses partenaires pour pouvoir réaliser cette expérience complète.

    La seconde difficulté est que chacun n’est pas toujours libre du temps dont il dispose. L’emploi du temps de la famille mêle plusieurs agendas et il peut être difficile de laisser une partie se poursuivre jusqu’à son terme.

    Mais tout cela n’est finalement qu’une question de gestion du temps, et avec un peu d’organisation, il est possible de trouver du temps pour les jeux vidéo tout comme on trouve du temps pour n’importe quel autre loisir.

    La principale raison pour laquelle  le temps passé à jouer aux jeux vidéo n’est pas une clé suffisante pour réguler l’activité d’un enfant tient au fait que donner des limites n’est pas suffisant : il faut aider l’enfant à transformer ses expériences.

    Un des raisons pour lesquelles les jeux vidéo sont si prisés, c’est qu’ils sont pourvoyeurs d’interactions. L’enfant (ou l’adulte) interagit avec le jeu vidéo en investissant de façon préférentielle certains éléments. Certains apprécient de retrouver toujours les même choses. D’autres vont aimer l’excitation et les sensations données par le jeu vidéo. D’autre aimeront les moments ou leurs gestes se synchronisent parfaitement avec les actions sur l’écran. D’autres aimeront incarner des personnages puissants et valeureux…

    Le jeu fonctionne alors comme un container dans lequel des expériences peuvent être faites en toute sécurité. Mais ces expériences ne deviennent véritablement fructueuses que si elles font l’objet d’un échange de paroles. Cet échange de paroles aide l’enfant à passer d’une situation ou il est immergé dans le jeu vidéo à une situation ou il se représente pour quelqu’un d’autre ce qui a été en jeu pour lui.

    Les enfants commencent généralement spontanément à faire ce travail de traduction. Une fois la console éteinte, il jouent avec des playmobils ce qu’ils viennent de jouer, ils sautent dans tous les sens, ou ils donnent dans un jeu les identités de personnages de jeu vidéo. Ce n’est pas, comme certains parents le craignent, qu’ils sont restés “scotchés” au jeu, et le remède n’est pas qu’ils jouent moins. C’est qu’ils sont en train de traduire une expérience dans un autre registre que le registre dans lequel elle a été vécue. En d’autres termes, ils symbolisent. Avec le jeu vidéo, ils étaient engagés dans une expérience qui privilégie l’émotion et l’image. Avec le jeu, ils privilégient les interactions sensori-motrices. Courir, sauter, éprouver de la fatigue, sentir la résistance des objets et du monde permet de vivre autrement ce qui a déjà été vécu dans le jeu vidéo.

    Le risque est que le container se transforme en chambre forte. Ce qui a alors être vécu avec le jeu vidéo ne sera pas mis en contact avec le reste de la personnalité de l’enfant. Le jeu vidéo devient une sorte de Végas dans lequel tout est possible. La difficulté n’est pas dans la différenciation entre l’espace du jeu et la réalité car les enfants connaissent parfaitement cette limite. Elle tient davantage à l’isolation de sensations ou de fantasmes vécus secrètement ou honteusement.

    Le travail de symbolisation doit donc être poursuivi par une mise en parole. En racontant ce qui a été joué, en exposant ses choix, ses actions, et ses préférences, l’enfant représente pour l’autre ce qui a été vécu. Et dans le même temps, il s’en fait une représentation plus précise. Les réactions du parent, ses étonnements, ses intérêts tout comme ses incompréhensions l’aide a mieux se représenter ce qu’il sait, ce qu’il ignore, et les connaissances de ses parents.

    Le récit offre une nouvelle médiation à l’enfant. Il n’est plus dans le temps ou les choses se passent. Il est dans le temps ou les choses se racontent. Les enfants ont d’ailleurs à ce moment souvent des exagérations dont il ne faut pas trop s’offusquer. Ce qu’ils produisent, c’est un récit qui tient du mythe. Mais peut-on faire autre chose que devenir mythologue lorsque l’on a joué à être un nain farouche, un pilote de course, ou un gestionnaire d’équipe de football ?

     

    En conclusion, se center sur le temps que les enfants passent à jouer n’est qu’une partie du problème. Il faut aider les enfants à mieux contenir et  assimiler les expériences vécues avec les jeux vidéo.

    jeudi 26 janvier 2012

    5 violences faites aux enfants sur Internet

    L’internet est un espace de relations dans lequel les dynamiques familiales se jouent et rejouent. Si dans la grande majorité des cas, ce qui se passe en ligne ne pose pas de difficultés particulières,il peut arriver que l’Internet révèle des situations de maltraitance.

    Sur le réseau, les enfants peuvent être violentés d’au moins cinq façons différentes. Ces violences ne sont pas nouvelles (Tisseron, 1992)  mais le monde numérique leur offre de nouvelles possibilités d’expression

    La première violence faite aux enfants en ligne est la confrontation aux affrontements des parents entre eux. La situation peut être encore se compliquer lorsque cette confrontation se passe dans un espace public comme Facebook, et que l’enfant est convoqué à être présent aux disputes par le système de notification. Si la perception de désaccords entre ses parents peut être structurant pour l’enfant qui a ainsi la preuve que la conflictualité peut constructive, il n’en est pas de même des scènes de ménage. L’enfant est alors au contact avec la violence des adultes. Il ne la fantasme plus. Il la vit.

    La seconde violence faite aux enfants en ligne est le dénigrement. Faire un commentaire acerbe sur l’orthographe d’un adolescent ou sur une de ses photographie a des effets immédiats et déplorables en termes d’estime de soi. Chaque adolescent est identifié à son écriture et à ses images. S’en moquer, et s’en moquer en public, a pour seul effet de faire honte. L’enfant est alors déchiré dans ses choix : garder l’investissement de son parent honnisseur, et avoir honte de ce qu’il est. Garder l’investissement de l’image de soi, et perdre l’amour de son parent intériorisé. Dans tous les cas, c’est perdant-perdant.

    L’indifférence vis à vis des intérêts que les enfants peuvent avoir sur le réseau Internet est une autre violence. Alors que qu’ils passent une part de plus en plus grande de leur temps libre sur l’Internet, ne pas s’intéresser à ce qu’ils vivent en ligne revient a frapper de nullité leurs intérêts pour les matières numériques.  Cette indifférence peut se traduire par l’idée selon laquelle l’enfant est « naturellement doué » avec les objets numériques. Il n’y a donc pas à faire avec lui le travail de transmission  qui est fait avec les autres objets de culture. Ce défaut d’attention laisse l’enfant avec l’illusion qu’il maitrise maitrisent l’environnement numérique et ce que celui-ci échappe au processus de transmission qui est au cœur de toute culture. En d’autre termes, l’idée de « digital natives » ensauvageone les enfants alors qu’il faudrait apprivoiser le numérique pour eux. Que l’on considère que ce qui se passe en ligne est uniquement l’affaire de l’enfant ou qu’il est naturellement compétent avec les objets numériques est une violence à l’enfant car elle l’enferme en dehors des processus de transmission qui sont nécessaires à son bon développement.

    L’internet et les mondes numériques peuvent facilement être utilisés comme des dispositifs de surveillance. Cette facilité fait de l’internet un nouvel espace où les parents peuvent empiéter sur l’espace privé de leur enfant. Lire le mur Facebook de son enfant, c’est pénétrer dans son espace privé et dans celui de ses amis. En effet, les contenus partagés par ces derniers n’ont pas pour destinataires les parents. Ce n’est pas parce que Facebook est un espace public que les conversations qui s’y déroulent sont publiques. Les mécanismes d’emprise peuvent prendre la forme d’une validation systématique par le parent de ce qui est publié, du partage des identités en ligne de l’enfant et du parent, de la lecture de tous les contenus publiés en ligne par l’enfant par le parent. Dans tous les cas, c’est la capacité à être et à penser seul qui sont remis en cause

    Enfin, l’exposition de la vie intime des parents, en paroles ou en images, est une violence faite aux enfants. Cette exposition peut être directe, comme lorsque le parent   expose sur un réseau social sa vie sexuelle et amoureuse . Elle peut aussi être indirecte comme l’enfant retrouve alors les traces de l’activité sexuelle du parent dans l’historique du navigateur Internet ou des images de ses activités sexuelles sur le disque dur de l’ordinateur familial. Elle peut aussi concerner des faits de la vie familiale qui concernent l’enfant et qui sont mis en public sans son accord. Enfin, demander à un enfant de télécharger illégalement un contenu, c’est le mettre dans une situation difficile. En effet, l’enfant endosse les positions envieuses et antisociales de ses parents alors que le rôle du parent est normalement de contenir et de traiter l’envie et les conduites antisociales de son enfant.

    Les mondes numériques donnent de nouvelles occasions aux parents d’être violents et de compromettre le développement de leur enfant. Cette violence n’est pas nouvelle. Elle est attestée par des mythes dans lesquels un enfant est exposé aux bêtes sauvages ou à la rigueur de la nature. Elle s’explique par le fait que les parents ont toujours de bonnes raisons inconsciences de haïr leur enfant. Ce qui est nouveau, c’est d’une part le contexte social et d’autre part la sophistication des dispositifs numériques. La société actuelle a mis la jeunesse en idéal, et les parents sont privés des bénéfices du vieillissement puisque celui-ci est vécu comme appauvrissement et non plus comme accumulations d’expériences. Ensuite, les mondes numériques permettent aux parents et aux enfants de baigner dans la même intimité et de contrôler plus finement les faits et gestes de leur enfant..La bonne nouvelle est que le travail de parent passe par les même nécessités qu’hier. Il s’agit d’accepter sa condition de parent : gouter aux joies d’être parent, c’est renoncer aux plaisir de l’adolescence. il s’agit également d’accepter la liberté et l’autonomie de l’enfant.

    Finalement, sur Internet aussi, les parents doivent veiller à ne pas devenir le principal problème de leur enfant.

    vendredi 13 janvier 2012

    Conseils a l'usage des parents qui ont des enfants qui jouent aux jeux vidéo

    Le jeu vidéo est devenu ubiquitaire dans la culture jeune. Les enfants jouent sur des supports divers, et les temps de jeu sont un motif de conflit fréquent dans les familles. Les parents s’inquiètent soit du contenu des jeux vidéo, soit du temps passé à jouer, soit de l’excitation provoquée par les jeux. Certains s’inquiètent même des trois ? Comment s’y retrouver ? On trouvera ici quelques conseils à l’usage des parents dont les enfants jouent aux jeux vidéo.

    Sanctuarisez le jeu. Le jeu est une activité séparée du régime normal. L’enfant peut être un preux chevalier, un brigand terrible, une patiente maitresse ou une marchande roublarde parce que les actions réalisées “en semblant” n’a pas de conséquences dans sa vie réelle. Avant et après le jeu, il reste un petit garçon ou une petite fille entouré de l’affection de ses parents. Il ne viendrait pas à l’idée de parents de réprimander un enfant pour les massacres qu’il a réalisé au cours d’une bataille de playmobils. Le même principe s’applique aux jeux vidéo.

    Les parents doivent veiller à respecter le jeu de leur enfant. Passer entre l’écran de télévision et l’enfant, , l’interrompre parce qu’il n’est “que” en train de jouer aux jeux vidéo et qu’il est plus important de rendre service à ses parents, c’est  l’empêcher de vivre pleinement l’expérience du jeu; c’est lui indiquer que ses activités n’ont pas d’importance et qu’elles sont subordonnées au désir des adultes

    Sanctuariser le jeu, cela veut dire s’assurer que la session de jeu vidéo reste du jeu. Lorsqu’un enfant fait des actions répétées dans un jeu sans aucun plaisir, ou lorsqu'il est trop énervé parce qu’il n’arrive pas à faire quelque chose, il faut intervenir parce qu’il est dans une situation difficile.

    La sanctuarisation du jeu permet d’arrêter de jouer plus facilement. L’enfant sait le temps de jeu dont il dispose, il sait que ce temps lui est totalement acquis, et il sait aussi qu’il pourra rejouer dans d’aussi bonnes conditions dans le futur. Tout cela lui permet de quitter tranquillement le jeu le moment venu.

    Soyez tolérants. Le jeu provoque nécessairement des débordements et termes de temps de jeu et d’excitation. C’est le travail d’éducation des parents d’aider l’enfant à mettre fin à une activité plaisante pour passer à autre chose. En ce sens, les débordements des enfants sont plus des occasions d’éducation que des inconduites à punir. Les débordements seront réglés facilement si l’enfant trouve en face de lui un parent calme, reconnaissant la difficulté à s’arrêter de jouer, et maintenant tout de même la limite. S’il a été décidé d’arrêter de jouer à 7 heures, alors il faut le rappeler à l’enfant à l’heure dite, et si nécessaire, il faut rester avec lui le temps qu’il mette fin au jeu.

    Le jeu produit nécessairement une excitation qui peut déborder l’enfant. Cette excitation n’est pas en soi préjudiciable, mais les parents doivent veiller à ce qu’elle ne nuise pas au jeu. Il peut arriver que l’enfant, trop excédé par ses échecs ne soit plus capable de jouer. Il faut alors soutenir l’enfant pour l’aider à passer ce moment difficile. Tout parent sait que l’échec est douloureux, et c’est en cela qu’il faut aider l’enfant. en lui assurant que l’échec n’est que temporaire. Parfois, il faut aider l’enfant a ne plus jouer pendant 5 minutes pour mieux jouer ensuite.

    Discutez du jeu. Spontanément, les enfants viennent parler aux parents de ce qu’ils ont fait pendant le jeu vidéo. Il peut arriver que les parents ayant déjà eu à supporter la séance de jeu vidéo ne souhaitent pas en entendre davantage. C’est dommage. L’enfant a en effet besoin de vérifier que son activité n’est pas désapprouvée par son parent et qu’elle est un jeu, c’est à dire sans conséquence sur la réalité.

    Il y a à cela aussi des raisons plus profondes. En effet, le jeu est accompagné de pensées inconscientes agressives ou érotiques. Le jeu vidéo n’est pas en une exception : le Monopoly a pour but de ruiner tous ses adversaires, et le Mille Bornes permet de faire crever son opposant en toute tranquillité. Le jeu est une manière par laquelle les individus d’une société peuvent traiter la violence. Les formes changent mais les buts restent les même.

    Le récit que l’enfant fait de ses exploits vidéo ludique lui permet de vérifier que la violence, l’agressivité, le désir maitrise, les désirs amoureux qu’il a retrouvé dans le jeu n’ont pas eu d’effet sur son parent de la réalité. Raconter à un parent il a été adroit dans un jeu de guerre permet à la fois de dire les désirs de violence et de trouver chez le parent la confirmation qu’il ne s’agit que de désirs : nul en peut être tué en jeu vidéo.

    Le récit après jeu permet à l’enfant de traiter un autre problème. Les jeux vidéo sont très chargés émotionnellement. La mise en parole auprès d’un adulte investit positivement permet à l’enfant de mieux “digérer” les émotions et les images qui ont été transmises par le jeu. La discussion lui permet de reformuler les problèmes qu’il a rencontré dans le jeu, et donc commencer à y trouver des solutions. S’entendre raconter le jeu lui permet également de mieux comprendre son propre fonctionnement : pourquoi se cache-t-il toujours derrière ces hauts murs ? Pourquoi se jette-t-il toujours tête baissé dans le danger ? Pourquoi joue-t-il toujours des pilotes ? il y a à chaque fois des occasions de compréhension de soi et donc de croissance psychique.

     

    En conclusion, les points suivants me semblent importants. 

    La sanctuarisation du jeu assure a l’enfant une sécurité dans le loisirs qu’il affectionne ce qui lui permet de s’en séparer plus facilement.  La tolérance lui permet de jouer en toute liberté avec ses pensées et ses émotions sans courir le risque de rencontrer ensuite un parent culpabilisateur ou honnisseur. La discussion donne à l’enfant un miroir dans lequel il peut trouver matière à se penser.