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lundi 8 août 2016

Les enfants et le temps passé avec les écrans : il faut développer un nouveau paradigme


Les experts prônent généralement aux parents de contrôler le temps d’écran des enfants à deux heures par jours et de les limiter aux enfants en bas âge. Ces recommandations sont celles que l’American Academy of Pediatric (APA) a formulé en 1999. A cette époque, les joueurs avaient le choix entre des titres comme Age of Empire, Sonic Adventure et Counter Strike. Le jeu sur portable faisait une percée avec le Gameboy tandis que les PS2 et Nintendo 64 occupaient trônaient dans les salons. L’internet concernait moins d’une famille sur trois et les ordinateurs étaient dans deux foyers sur trois. L’année précédente, le massacre de Columbine avait sensibilisé l’opinion américaine avec l’idée que la violence la plus extrême pouvait être liée aux jeux vidéo. Dans ce contexte, les recommandations de l’APA sont très restrictive. A cette époque, la recherche n’avais pas mis en évidence de bénéfices pour les enfants de moins de deux ans. A l’opposé, les preuves d’effets problématiques pour les enfants étaient bien documentés. 

Aujourd’hui, la situation est très différente différente. La recherche a mis en évidence que la prise en compte du temps passé auprès des écrans n’est pas le seul élément à prendre en compte. Un enfant qui passe 20 minutes seul avec un écran n’a pas la même expérience de jeu qu’un enfant qui passe 20 minutes avec un écran et un parent qui le stimule en commentant son jeu, s’émerveille de ses réussites et le console de ses échecs. Cette nouvelle donne a amené l’APA a modifier ses recommandations : “Dans un monde où le temps d’écran” est en passe de devenir simplement “le temps”, disent les pédiatres américains, nos recommandations doivent évoluer ou devenir inutiles”


Les nouvelles recommandations n’ont plus le ton alarmant anti-média des années 2000. 

  • Les média sont un environnement. Les enfants font avec les média ce qu’ils ont toujours fait. Comme tout environnement, les média peuvent avoir des effets positifs ou négatifs.
  • Le travail des parents n’a pas changé. Les même règles s’appliquent avec les enfants qu’ils soient dans des environnements réels ou virtuels. Jouez avec eux. Posez des limites (les enfants en ont besoin et les attendent). Apprenez leur la gentillesse. Impliquez vous. Connaissez leurs amis et sachez ou ils vont.
  • Votre exemple est crucial.Limitez votre utilisation des média et enseignez la netiquette. Le travail de parent nécessités du face à face en dehors des écrans. 
  • Nous apprenons les uns les autres. La recherche en neuroscience montrent que les très jeunes enfants apprennent mieux dans le dialogue. Les temps de discussion entre l’enfant et l’adulte sont cruciaux pour le développement du langage. Regarder passivement des films ne provoque des apprentissages dans le domaine du langage chez les enfants et les bébés. Plus le média suscite des interactions, plus sa valeur éducative peut être grande (par ex. un bébé qui discute par vidéo avec un parent qui est en voyage). Les opportunités optimales en matière d’éducation pour les média commencent après deux ans, lorsque le média peut jouer un rôle
  • Le contenu est important. La qualité du contenu est plus important que la plateforme ou le temps passé avec le média. Donnez des priorités dans la manière dont votre enfant passe son temps plutôt que de simplement le limiter.
  • La curation est importante. Plus de 80.000 applications sont présentées comme éducatives, mais peu de recherches ne valide leur qualité. Un produit interactif nécessite plus que des clics et des balayages [...]
  • Le co-engagement est important. La participation de la famille dans l’utilisation du média facilite les interactions sociales et les apprentissages. Jouez aux jeux vidéo avec vos enfants. Votre façon de voir influence la manière dont vos enfants comprennent ce qu’ils vivent avec le média. Pour les enfants et les bébés, l’expérience partagée autour de l’écran est essentielle.
  • Le temps de jeu est important. Le temps non structuré stimule la créativité. Donnez la priorité à des activités quotidiennes sans écrans, spécialement pour les plus petits
  • Donnez des limites. L’utilisation des média, comme toutes les activités, devrait avoir des limites raisonnables. Est ce que l’utilisation des média par votre enfant l’aident ou est ce que cela empêche sa participation à d’autres activités.
  • Les adolescents sont en ligne. Les relations en ligne font partie du développement des adolescents. Les réseaux sociaux peuvent contribuer à la formation de leur identité. Apprennez à votre adolescent à se comporter de manière appropriée en ligne de la même manière que vous lui apprenez les bonnes manières hors-ligne. Informez vous sur ce que votre adolescent fait en ligne afin de mieux comprendre les contenus auxquels ils sont confrontés ainsi que leurs contextes.
  • Créez des zones libres de média. Préservez les temps de repas. Rechargez les appareils la nuit en dehors de la chambre de votre enfant. Ces dispositions facilitent le temps partagé en famille, les bonnes habitudes familiales et le sommeil
  • Les enfants sont des enfants. Ils feront des erreurs en utilisant les média. Ces erreurs sont des occasions de faire votre travail de parent si vous les traitez avec empathie. Cependant, certaines aberrations comme les sexto ou la mise en ligne d’images d’auto-mutilations nécessitent une évaluation des conduites à risque du jeune.

Bien sûr, il est possible de ne pas être d’accord avec tout. Mais les points essentiels sont que les parents sont au centre de l’éducation de leurs enfants, que les média sont des environnements que les enfants doivent apprendre à utiliser, que le contenu et le contexte sont plus important que le temps passé devant un écran et que l’expérience partagée est essentiel. Ce changement de philosophie est plus que bienvenu. En 1999, les parents étaient transformés en policiers devant limiter les accès aux écrans de leurs enfants. Ils sont maintenant des guides et des exemples dans l’utilisation des écrans. Ils sont donc en bien meilleure position pour transmettre à leurs enfants les compétences dont auront besoin dans un monde entièrement numérisé.


SOURCE

American Academy of Pediatrics. (1999). American Academy of Pediatrics Committee on Public Education: media education. Pediatrics104, 341-343.



lundi 29 décembre 2014

Les enfants, le temps et les écrans



La multiplication des écrans et leur implication dans nos loisirs, nos vies privées et professionnelle suscite de plus en plus de questions auxquelles les recherches tentent de répondre de manière raisonnée. Quel est l’effet des écrans sur nos vies sociales ? sur nos vies privées ? sur nos métiers ? L’effet des écrans sur les enfants est un domaine de recherche particulièrement important parce qu’il répond a des questions, et parfois des inquiétudes, du public.


L’effet des écrans sur le développement des enfants ne dépend pas uniquement du facteur temps, ni même de l’âge de l’enfant. La manière dont l’écran est utilisé et les médias qu’il diffuse sont également des éléments déterminants. Les écrans sont des médiateurs. Ils peuvent aussi bien être des portes que l’on ouvre que des portes que l’on ferme. Dans le premier cas, ils sont au service de la relation avec l’autre, des apprentissages, ou tout simplement du plaisir d’une activité. Dans l’autre cas, ils sont utilisés comme moyen de fermeture ou de verrouillage de la relation. 


Pendant des années, les professionnels de la petite enfance ont recommandé aux parents d’éloigner les jeunes enfants des écrans. La recommandation était sensée. Elle s’appuyait sur le fait que le développement des enfants dépend des liens privilégié qu’ils construisent avec l’environnement humain. Une somme très importante de recherche montre que tout ce qui nuit à la construction des liens d’attachement est préjudiciable à l’enfant et à l’adulte qu’il va devenir. 

Cependant, cette position tient également au fait que les professionnels de la petite enfance ont généralement tendance a avoir une perception négative de la technologie. Celle-ci est perçue comme froide et excessivement simple et opposé à un monde humain qui serait chaleureux et complexe. Une étude, publiée dans la revue Computers in Human Behavior va dans ce sens. Elle montre que des enfant de sixième qui passent cinq jours sans être exposé à la technologie lisent mieux les émotions humaines que ceux qui ont accès à leurs téléphones, ordinateurs et télévision . Cependant, d’autres études vont dans le sens opposé. Par exemple, il a été montré que des enfants de 24-36 mois sont capables d'apprendre des mots nouveaux sur Skype ou en face-à-face. L’important n’est pas la présence de l’écran mais le fait que la situation soit socialement significative.

Il faut aujourd'hui mieux prendre en compte que les pratiques autour des écrans ont changé. Ils permettent des temps d’interaction et de plaisir partagés. Ils ne sont donc pas nécessairement des obstacles à des interactions authentiques. La clé essentielle n’est pas le temps passé avec les écrans. Celui-ci devient un facteur positif lorsque les enfants et les enfants les utilisent conjointement et avec plaisir. Il est donc temps de modifier la recommandation “pas d’écran avant trois ans” par un “pas d’écran seul avant trois ans”


  • Uhls, Yalda T et al. "Five days at outdoor education camp without screens improves preteen skills with nonverbal emotion cues." Computers in Human Behavior 39 (2014): 387-392.
  • Roseberry, Sarah, Kathy Hirsh‐Pasek, and Roberta M Golinkoff. "Skype me! Socially contingent interactions help toddlers learn language." Child development 85.3 (2014): 956-970.