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mardi 11 novembre 2014

Note sur les clowns maléfiques



Sur YouTube, des vidéos de clowns maléfiques ont un certain succès. On y voit un clown écraser la tête d’un corps posé sur le sol avec une énorme masse puis poursuivre les passants qui l’ont vu commettre ce crime affreux. Bien évidemment, le corps posé au sol n’est qu’un mannequin et le sang qui gicle sur les murs n’est qu’un liquide coloré. Mais la terreur éprouvée par les passants est bien réelle de même que le plaisir que l’on prend a regardé ces vidéos.



Ces vidéos ont suscité quelques vocations. On signale en France des clowns qui sèment la terreur dans les rues. Récemment, en Dordogne, un jeune homme a été mis en examen pour avoir effrayé des enfants avec un costume de clown. Comment expliquer ce phénomène ? Pourquoi les clowns peuvent-ils devenir si effrayants ?

La première interprétation est simple. Les clowns sont effrayants parce qu’ils sont à mille lieues de commettre des actes aussi violents. Le clown est associé à l’enfance, aux rires, aux chutes… c’est un personnage comique que l’on peine à associer spontanément à la violence. Lorsque le rapprochement est fait, nous ressentons intérieurement un sentiment de révolte. Le clown violent fait violence à nos représentations et à nos attentes. Il est un représentant de quelque chose qui ne doit pas être fait ou pensé.

Cependant, cette interprétation est loin d’être suffisante. Elle n’explique pas la terreur qui prend certains enfants face à un clown banal. Elle ne rend pas compte non plus des transformations du clown dans la culture populaire. Comment est-on passé du clown avec son nez rouge au clown grimaçant laissant apparaitre impressionnante . Pour rendre compte du phénomène des clowns effrayants, il faut revenir à l’origine du personnage. Les principales théories de l’horreur permettront ensuite de mieux comprendre les réactions que l’on peut avoir face aux clowns violents.

Généalogie du clown maléfique

Le clown est un personnage du cirque qui connait deux déclinaisons : le clown blanc et l’Auguste. Le clown maléfique est une déclinaison de ce dernier. Le clown blanc est un personnage digne et autoritiare. Il porte un maquillage blanc, deux grands sourcils noirs, une bouche rouge, des narines et des oreilles rouge vif. L’ensemble exprime le sérieux voire la tristesse. Il évoque également le merveilleux, l’aérien, le lunaire


L’Auguste est un contrepoint du clown blanc. Il est terrien, balourd, et pataud. Il porte des vêtements aux couleurs criardes. Son visage est blanc, avec une large bouche rouge et un nez rouge. Il porte une perruque de couleurs. Traditionnellement, le clown Auguste porte un maquillage blanc sur lequel se détachent un nez et une bouche rouge vif. Ses yeux sont immenses et parfois un petit chapeau couvre une chevelure rouge ou verte. Il porte une veste à large carreaux avec parfois une fleur à la boutonnière. Des bretelles retiennent un pantalon manifestement trop grand. Enfin, il est chaussé d’immenses chaussures qui rendent sa démarche malaisée. Les mouvements du clown sont désordonnés. Il ne faut pas beaucoup de temps pour qu’il déclenche des catastrophes.

Il existe plusieurs histoires sur l’origine du clown Auguste. Elles se résument dans le récit suivant : un garçon de piste est accidentellement introduit dans le spectacle. Ses maladresses, parfois attribuées à son alcoolisation, font rire le public. Ce qui n’était qu’un accident devient un spectacle. Le clown Auguste devient alors le faire-valoir du clown blanc avant de devenir un personnage indépendant

On retrouve avec le clown Auguste cette fonction de passeur. Déjà de par son origine, Auguste met en acte le passage de l’hors-scène à la scène. Avec Auguste, quelque chose qui était dans l’ombre passe dans la lumière. Auguste est une figure de la frontière. Elle est présente dans les carreaux de son costume. Elle est également figurée dans le fait que le clown n’est jamais totalement à sa place. Il fait des choses déplacées. Il n’est comme un enfant dans un monde de grandes personne. Cet aspect est souligné par les vêtements trop grands du clown. Son pantalon est retenu de justesse par des bretelles. Ses chaussures sont bien trop grandes. Elles sont d’ailleurs parfois remplacées par des palmes. D’évidence, le clown n’est pas dans son élément.

Les habits trop grands du clown renvoient à l’image d’un enfant dans un costume d’adulte ou à celle d’un adulte ayant régressé dans ses vêtements. L’image n’est pas la même selon que l’on est un adulte ou un enfant. Pour l’adulte , le clown est toujours l’image de régression. Pour l’enfant, le clown est une image de la régression et du travail de devenir grand auquel il est astreint. Ce travail l’amène à effectuer de difficiles et parfois douloureuses synthèses. C’est ce que signifient les pièces dépareillées du costume. Le clown est l’image de la non-synthèse. Rien en lui n’est ajusté. Rien ne tombe juste. Sa démarche est balourde. Ses chaussures et son pantalon sont trop grands. Les couleurs des carreaux de sa veste jurent. Même son visage présente un contraste entre la pâleur de la mort et le rouge vif des désirs.

Si tout dans le clown Auguste est déplacé, c’est parce qu’il déplace les règles du jeu. Il inverse l’ordre des choses. Lorsqu’il veut donner un coup de pied, il tombe. S’il joue de la trompette, les choses ne se passent pas normalement. Même les éléments de son costume ne sont que des plaisanteries. Ses gestes sont bien trop grands, sa démarche est ébrieuse, son chapeau est trop petit. La fleur qu’il accroche à sa boutonnière arrose ses partenaires alors que l’on attendrait d’une fleur qu’elle soit arrosée. Le clown Auguste est un trickster. Les contes et les légendes des cultures du monde entier comportent un personnage dont les facéties amusaient les enfants. Ce joueur de tours est aussi une porte-culture. En faisant autre chose que ce qui est attendu, il est créateur de nouvelles façons de voir le monde. Il est souvent créateur d’objets nécessaires à la survie de l’homme.

Quel est le lien du clown avec l’horreur ? Il réside dans le fait que le le clown Auguste est une figure disparate, composite, multiple. En cela, il est se rapproche d’une autre figure de la culture populaire. Le monstre de Frankenstein est lui aussi fait de bric et de broc. Il nait de l’assemblage de parties de corps différents. Il est une image de la transgression ultime puisqu’il mélange le vivant et le non vivant.

Le clown maléfique dans la culture populaire

Le clown maléfique est généralement totalement identique au clown Auguste, comme dans le roman Ca de Stephen King. Il peut aussi apporter quelques modifications. Celles-ci se concentrent alors généralement sur la bouche. La bouche ronde et féminine de l’Auguste se transforme une bouche méchamment dentée.


Le clown maléfique le plus populaire est sans doute celui du roman Ca de Stephen King. Dans ce roman, un groupe d’enfant est confronté à une force maléfique qu’ils appellent ça responsable de crimes atroce. Le clown Auguste est une des formes que “Ça ” peut prendre. Les enfants une fois devenus adultes doivent combattre “Ça ” à nouveau. “Ça ” est un monstre protéiforme qui met en scène les dangers de l’enfance : les adultes agresseurs, les violences commises par les enfants, et la violence infantile qui exige que des adultes reviennent sur leur enfance pour soigner les traumatismes du passé

Le Joker est un personnage aux cheveux verts et au visage blanchâtre de l’univers Batman. Il est partiellement inspiré de L’homme qui rit de Victor Hugo, héros monstrueux et grotesque dont le rire n’est rien d’autre qu’une balafre allant d’une oreille à l’autre faite sur ordre du Roi pour masquer son origine noble. Deux origines sont données au Joker. Dans la première, il est un criminel poursuivi par Batman. Il tombe dans une cuve d’acide et il en sort sous les traits du Joker. Dans la seconde, le sourire grimaçant du Joker est provoqué par le Batarang de Batman. Au cours d’un second combat, il tombe dans un bac d’acide et se transforme totalement en Joker (Batman Confidential #7-12, Sept 2007- Fév 2008).

Krusty le clown est un personnage du dessin animé Les Simpson. C’est un clown dépressif, tabagique et cynique qui anime un show télévisé pour les enfants. Physiquement, il est le jumeau de Homer Simpson avec un maquillage de clown. Mais à la manière du Joker, il ne porte pas de maquillage, mais doit son apparence à une succession d’attaques cardiaque. Entre mille et autres déboires, Krusty a été marié une quinzaine de fois, a connu de multiples faillites, rit hystériquement, est alcoolique…

Les théories de l’horreur

H. P. Lovecraft est un auteur connu de récits d’horreurs. Dans ses récits, un homme est généralement confronté à des forces venues d’un ailleurs lointain. Ces rencontres le plongent dans la confusion et l’effroi. Généralement, le héros finit dans une folie terrible ou est dévoré par un monstre dont la seule description peut rendre fou. Pour Lovecraft, l’horreur est une expérience religieuse. Elle confronte à une angoisse cosmique. Un récit d’horreur est un récit qui met le lecteur au contact avec des pouvoirs inconnus. Pour Lovecraft, l’horreur est suscitée chez le lecteur lorsqu’il prend conscience d’autre chose qui provoque alors un mélange de peur, de révulsion et d’émerveillement. Les héros de Lovecraft sont toujours partagés par la curiosité et la terreur. Les deux sentiments sont liés, car le héros vit sa curiosité comme quelque chose de malsain, et il a la prescience qu’elle l’entrainera vers . Les récits se terminent avec la confirmation que “certaines choses doivent ne jamais être sues”

Quel est donc ce savoir qui doit rester à jamais non su à jamais ? Le psychanalyste anglais Ernest Jones apporte une interprétation classique : c’est l’inceste. Dans son étude sur le cauchemar, il montre que les vampires provoquent l’horreur parce qu’ils représentent la satisfaction du désir incestueux. Par une succession de transformations dues a la censure du rêve, le parent est présenté comme un vampire, le souhait comme une agression, et l’amour en sadisme. Le rêveur apparait comme une victime passive - ce n’est pas lui qui désire, c’est le vampire - ce qui lui permet de jouir du plaisir d’être embrassé-mordu par le vampire

L’horreur ne se limite pas a la figure du vampire, et les désirs ne sont pas uniquement des désirs sexuels. Cependant, tous les désirs peuvent faire l’objet d’une répression. De e point de vue, ce qui provoque l’horreur ce n’est pas tant un désir particulier - ici, le désir incestueux oedipien - que le monde de la sexualité infantile. Les figures de l’horreur conduisent toutes aux expériences infantiles qui ont été refoulées : peur d’être agressé, perdu, tué, abandonné, de perdre son identité, d’être insuffisamment reconnu ou de se transformée en quelqu’un ou quelque chose d’autres

Enfn, l’horreur est un produit de la culture. Les thèmes traités par l’imaginaire de l’horreur correspondent aux questions et aux problèmes que se pose une société à un moment donné. De ce point de vue, les créatures d’horreur sont des images des répressions - et peut-être de leurs échecs - qu’une culture impose à tous ces membres. Les fièvres zombies qui envahissent régulièrement nos écrans de cinéma sont des images des tensions de notre société. (Dawn of the Dead (1978) de George Romero qui pose les standards du genre parle des tensions sexuelles et raciales USA des années 70. Aujourd’hui, les contagions zombies permettent d’évoquer la perte des limites suscitées par les transmissions numériques.

Comment comprendre les clowns maléfiques au regard de ces trois théories de l’horreur ? Les clowns maléfiques ne suscitent pas d’horreur mystique, mais ils confrontent tout de même avec l’idée que “certaines choses devraient être tues”. Ces choses sont en lien avec les désirs individuels et avec le travail de la culture qui impose des refoulements. Ma thèse est que les clowns maléfiques sont une image de perte des frontières.

Les clowns maléfiques comme passe-frontière
La perte des frontières est toujours une épreuve. Une frontière donne un point d’appui pour la pensée. Elle trace une ligne claire entre le bien et le mal, le juste et l’injuste, le plaisir et la douleur, l’interdit et l'autorisé. La question de la frontière est présente dans le clown Auguste . Elle apparait dans sa naissance, puisque quelqu’un garçon de piste devient un artiste. Elle est présente dans son costume bariolé qui met en contraste différents territoires. Elle est enfin présente dans son comportement puisqu’il se comporte d’une manière qui ne respecte pas les frontières sociales que sont les interdits.

Freud a décrit une expérience dans laquelle la personne vue un moment de flottement avec le sentiment d’être confronté à quelque chose d’à la fois inquiétant et familier L’inquiétante étrangeté correspond à une perte momentanée des limites. Un bref instant, la distinction entre le vivant et le non-vivant, l’inanimé et l’inanimé s’efface. Cet effacement correspond également à une perte de la frontière entre l’inconscient et le conscient. Pendant quelques secondes, des éléments de l’inconscient accèdent à la conscience, d’ou l’expérience de vertige et d’angoisse.

Le clown maléfique est ce familier inquiétant. Il est familier parce que l’on identifie rapidement le personnage. Ses chaussures, son pantalon, sa veste, son masque le rendent reconnaissance sans peine. Il est inquiétant par son action - il écrase un crane avec une immense masse - ou un détail - sa bouche est devenue une affreuse gueule dentée.

Comme les enfants, il est composé d’une pluralité de composantes dont la synthèse n’est pas encore faite. Les enfants doivent en effet se construire à partir d’une double filiation. Ils doivent également faire avec la double nécessité de s’incarner dans un corps et de sublimer leurs besoins biologiques. Les clowns maléfiques nous indiquent que notre rapport à l’enfance et à l’infantile se transforme. Le familier du clown est aussi celui de l’enfance. Le fait que nous le voyons comme potentiellement menaçant et destructeur que nous avons tendance à voir l’infantile de la même manière .



jeudi 30 octobre 2014

Pourquoi certains enfants ont-ils peur des clowns ?


Alors que les clowns sont traditionnellement associés au rire et au plaisir, certains enfants manifestent des signes de frayeur intense à leur vue. En 2008, l'Université de Sheffield a publié  les résultats d’une enquête portant sur 250 enfants ages de 4 à 16 ans montrant que la plupart d’entre eux n’aimaient pas ou avaient peur des clowns. Un des auteurs de l’enquête, le Docteur Curtis, parle même d’une “aversion universelle ”. Deux séries de données permettent de mieux comprendre cette crainte des clowns. La première s’appuie sur le personnage lui-même et la seconde sur des éléments de psychologie du développement.

Comment passe t-on de l’image du clown jovial au rictus grimaçant du clown maléfique ?

Le clown fait partie de la grande famille des amuseurs. Les bouffons, les Harlequin, les saltimbanques et autres tricksters appartiennent à toutes les cultures et toutes les époques. On les retrouve dans les fables et légendes partout dans le monde. Les pharaons de l’Égypte antique, les empereurs chinois et les rois des cours européennes s’amusaient de leurs facéties. Les histoires de Leuk le lièvre ou de Goupil font rire aux larmes les enfants et les adultes. Le Clown est un personnage de la limite, de la frontière, du bord. Il côtoie les cours, il est l’intime des rois, mais il n’est ni noble ni roi. Il est un articulateur

Les déterminants culturels

On peine aujourd'hui à se représenter la popularité que le clown a pu avoir au 19e. Dans la biographie qu’il consacre au clown Joseph Grimaldi Andrew McConnell Stott montre comment l'image du clown s'est peu à peu modifiée. On doit a Joseph Grimaldi le costume du clown Auguste tel qu’on le connait aujourd’hui. Il impose les habits bizarres et colorés ainsi que le port d’une perruque colorée. Son jeu est à l’image de son costume. Il se bat contre lui mème. Il est la dérision même. Andrew Scott montre que la face privée de Grimaldi était à l’opposé de la figure du clown. Rien, ou presque, dans sa vie, n’inspirait le sourire. Enfant, il est maltraité par son père. Il connait des accès de dépression, sa femme meurt en donnant naissance à son fils se suicide à l’âge de 31 ans après avoir été un clown alcoolique. Ses cascades qui amusaient tant le public lui laisseront des douleurs toute sa vie. il meurt ruiné et alcoolique en 1837

Pour Andrew Mc Connell, le clown maléfique a été créé par Charles Dickens à qui il avait été confier le soin d’écrire les mémoires du fameux clown. Dickens décrit un clown qui vit des drames pour chaque succès qu’il connait sur la piste. Ainsi, dans l’esprit du public, la vie de l’artiste devient indissociable de la vie de l’homme. Le remarquable travail d’Andrew Mac Connel n’explique cependant pas pourquoi le clown est devenu violent. Dans sa vie privée comme dans la version qu’en donne Dickens, le clown est un personnage triste,

La violence commence à apparaître avec un autre clown, Jean Gaspard Deburau. Ce clown français n’est pas un Auguste mais un Pierrot. Jean Gaspard Deburau est célèbre dans le Paris de la première moitié du 19e siècle. Il est célébré par de grands auteurs comme Charles Nodier, Théophile Gautier ou Charles Baudelaire. Un jour de 1836, il tue de coups de canne sur les boulevards un enfant qui avait eu le tord de le traiter de “Pierrot”. Jean Gaspard Deburau sera acquitté de toute charge à son procès

John Wayne Cacy fait franchir au clown un nouveau pallier dans l’horreur. John Cacy donne toute satisfaction à son travail. Il est aussi connu pour être Pogo le Clown a des fêtes. Entre 1972 et 1978, il agresse et tue plus de 35 jeunes hommes dans la région de Chicago. Aux policiers qui viennent l’arrêter, il dit comme une évidence, “Vous savez… les clowns peuvent se permettre de tuer. Il est exécuté en 1994. Pogo le Clown a sans aucun doute bien plus contribué à installer dans l’imaginaire collectif l’image du clown violent que Joseph Grimaldi ou Jean Gaspard Deburau

L’image du clown violent est ensuite traitée par la culture populaire. La liste de ces clowns serait longue à établir. On se souvient de Poltergeist dans laquelle une poupée clown devient vivante et tente d’attirer un petit garçon sous le lit. Le terrible Gripe-sous du roman Ca de Stephen King agresse des enfants. Les clowns nous viennent de l’espace dans Les clowns venus d’ailleurs (1988). Dans Clownhouse, ces fous échappés d’un asile psychiatrique martyrisent une petite ville. Le Joker reprend également la thématique de la folie. Enfin, il est difficile de clore cette petite liste sans parler du dépressif Krusty le clown de la série Les Simpson qui semble très inspiré de Joseph Grimaldi. 

L'image du clown violent est ainsi construit dans l'espace public. Elle est traduite dans différents médias, et c'est à l'occasion de leur rencontre que les enfants apprennent à en avoir peur.



Les déterminants individuels

Si l’horreur est culturellement construite, elle est également individuellement déterminée. L’angoisse qui saisit certains enfants devant un clown plonge ses racines dans les premiers moments de développement de tout être humain.

Les psychologues de l’enfant ont montré l’importance du visage dans le développement de l’enfant. Le psychanalyste Spitz en fait un organisateur précoce de la personnalité. Pour Donald Winnicott, l’enfant s’identifie au visage de sa mère. L’expérience du “still face” montre qu’un bébé de quelques semaines éprouve de la détresse lorsque sa mère lui oppose un visage impassible. Le bébé s’étonne, proteste, se détourne et parfois se déprime un moment. D’une façon générale, les masques nous confrontent a ce type d’expérience. Lorsque nous sommes face à une personne masquée ou maquillée comme un clown, la diversité de ses émotions nous échappe. Nous ne pouvons plus accorder nos émotions et nos pensées au visage de l’interlocuteur ce qui provoque de la perplexité voire de la détresse



Conclusion


Les créatures d’horreur sont des images du travail mené par une culture à un moment de son histoire. Aussi, les clowns maléfiques sont comme des messages. Quelle histoire de nous même nous racontent-ils ?

Les clowns maléfiques nous apprennent tout d’abord que notre manière de réagir devant les difficultés de la vie est en train de changer. La rage et la violence sont en train de remplacer la dépression comme modalité organisée aux difficultés de la vie. Il y a encore une génération, le clown triste était la face cachée du clown. Aujourd'hui, c’est un clown malveillant, extrêmement violent, voire maléfiques, qui remplace l’image de la tristesse. Autrement dit, la dépression comme moment de retour sur soi, certes douloureux, mais permettant une réorganisation de ce qui a été éprouvé, est mis de côté. Cette difficulté collective à passer par des moments dépressifs se traduit par la tendance à la satisfaction immédiate et rageuse des désirs.

Les clowns maléfiques sont porteurs d’un autre enseignement. Ils montrent que ce qui est traditionnellement associé à l’enfance est vu comme quelque chose de potentiellement violent et dangereux. Derrière le clown violent, c’est de l’enfance dont il faut se garder. Cette méfiance vis-à-vis de l’enfance, de ce qu’elle a de désordonné, chaotique est à mon avis à mettre en regard avec le fait que la population occidentale est vieillissante.