lundi 29 mars 2010

Le blog est bon pour les ados

Une étude portant sur des blogues d’adolescents a montré que cette pratique leur permet de maintenir des ligne et de construire des communautés d’intérêt. L’équipe de chercheurs de l’Ohio Slate University a examiné une centaine de blogues de la plate forme Xanga.

Lorsqu’il s’agit d’Internet et d’adolescents, les esprits s’emballent assez facilement. Il est alors souvent question des risques qui seraient liés à la fréquentation des espaces sociaux en ligne. l’étude de l’Ohio Slate University permet de raison garder en examinant les faits.

L’étude a porté sur le réseau social Xanga et avait pour but de répondre à la question suivante : les adolescents parlent-ils de conduites à risque où problématiques sur le réseau ? Une centaine de blogues ont été suivis pendant l’année 2007. Les résultats de ce sondage montrent clairement que l’image de l’adolescent en danger sur Internet est très exagérée.

Contrairement à l’image facile que l’on peut s’en faire, les adolescents bloguent très tranquillement : ils parlent de leurs vies d’écoliers, des événements de leurs familles et du mortel ennui que peut être l’adolescence. Ils se servent du blogue comme d’un banal moyen de communication. C’est une place publique (ou semi-publique) où l’on parle principalement de jeux vidéo (65%), des émissions TV (45%), des devoirs (40%), des activités extra scolaires (38%) ou d’activités religieuses ou péri-religieuses (22%).

Il faut un peu nuancer le portrait. D’abord parce que les adolescents blogueurs sont relativement rares. Le blog nécessite un travail d’écriture important et est très couteux en temps. Les adolescents ont donc tendance à se tourner vers des réseaux sociaux à la Facebook qui leur permettent de faire régulièrement des mise à jour de leurs profils. Ces réseaux sociaux ont pour avantage d’être davantage immersif : le flux des mise à jour du réseau social permettent de plonger dans ce que  Leisa Reichelt a joliment appelé “intimité ambiante”. Ensuite, les mises à jour peuvent être brêves et se faire “à la volée”. L’instant est enregistré sur le réseau social presque au moment ou il se vit. L’ensemble contribue à ce que j’ai appelé la légendarisation de nos vies : chaque événement déposé en ligne est comme une légende photographique.

Enfin, les auteurs de l’étude ont une conception un peu naïve des avantage du blogue pour les adolescents : tant qu’ils sont derrière leurs machines, ils ne se droguent pas ou n’ont pas de relations sexuelles. Pour moi, les bénéfices du blogue sont ceux du travail d’écriture. Il permet de mettre en forme des idées, des sensations et des événements. L’écriture en ligne permet par ailleurs de mêler plusieurs médias : l’image et le texte peuvent être mis en écho ; enfin, elle est hyper-textuelle : elle renvoie à ce qui n’est pas elle.

 

Pour les parents, ce sont là des éléments de réflexion importants. Les blogues ne sont pas des espaces d’exhibition, mais des dispositifs d’écriture et donc des soutiens importants du travail de pensée.

mercredi 24 mars 2010

Transformations où comment Super Nanny aide a comprendre la complexité

J’ai découvert hier une nouvelle émission de télévision : Belle toute nue.  Des femmes qui n’aimaient pas leurs rondeurs étaient prises en main par une personne qui les aidait en une semaine à s’aimer telles qu’elle étaient. Elles passaient différentes épreuves, puis se voyaient confiées à quelques spécialistes (coiffeur, photographe…) qui les aidaient trouver une apparence qui correspondait à leur “vrai moi”. La fin est bien évidement une happy end : les participantes sont enchantées, souriantes et radieuses. Elles se sentent enfin belles.

Ces émissions font partie de toute une série d’émissions qui sont construites sur le même modèle. Une situation de départ qui pose problème. Ici, c’est le regard que l’on porte sur soi-même, mais cela peut être une maison à réaménager (D&Co), des repas de cantine (Vive la cantine), des difficultés avec les enfants (Super Nanny, Le grand frère) …

Toutes les émissions de télé réalité entrent dans ce cadre. Du loft à La ferme des célébrités en passant par La nouvelle star ou Star academy, ce qui est donné à voir, c’est un processus au moment ou il se déroule. Des candidats sont peu à peu sélectionnés, formés, transformés, marquettés, standardisés.

On comprend très mal ces émissions si l’on se contente de les regarder de haut. C’est une fiction que de croire que d’un coté il y aurait la télévision qui flatte les bas instincts, qui abruti, qui prépare les masses aux vendeurs et de l’autre il y aurait une télévision qui élève, qui instruit, qui parle aux intellects.

La vérité est qu’aucune masse n’est livrée pied et poings liés aux médias. D’abord parce que ce qui est vu dans l’intimité des chez soi devient un fait social le lendemain au bureau ou à l’atelier. On parle, on discute, on échange sur La ferme des célébrités. On se fait une opinion. On construit une opinion.

Ensuite, parce que ces émissions sont vraiment intéressantes. Elles sont une leçon sur la complexité. Elles donnent d’abord a voir les processus de sélection et d’élimination dans lesquels nous sommes tous pris et qui sont d’habitude invisibles. Dans nos vies professionnelles, les centres de décision sont de plus en plus éloignés, et les décisions de plus en plus incompréhensibles : pourquoi fermer telle usine alors qu’elle tourne à plein ? Qu’est devenu le collègue avec lequel j’ai travaillé pendant des mois ou des années. Avec les émissions de télé réalité, ces processus sont donnés à voir.

Enfin, ces émissions témoignent d’un très grand changement dans notre façon de comprendre le monde. Nous sommes aujourd’hui davantage intéressés par les processus que par les états. Hier, la grande question était “Comment c’est fait" ?” et les cassettes vidéo regorgeaient de bonus dans lesquels on apprenait les mystères des transformations de Michael Jackson dans Thriller. Aujourd’hui, le plaisir du “behind the scenes” est devenu beaucoup moins grand.

Il y a encore une poignée d’années, un objet pouvait être compris en observant sa morphologie. Par exemple, les composants d’un moteur de voiture était clairement identifiables, et leur démontage en règle permettait de comprendre les principes du moteur à explosion. Comme les moteurs de voiture, la plupart des objets qui nous entourent aujourd’hui sont devenus incompréhensibles. Ils sont devenus des boites noires.

Ce n’est pas simplement une question de logiciel ou de moteur de voiture. C’est un changement profond dans toute la culture. Nous sommes passés d’un questionnement sur les origines – d’où viennent les choses – à un questionnement sur les processus – comment les choses se font elles maintenant ? Le travail psychique porte moins sur la différence entre l’état présent et un passé que l’on tente de reconstruire. Il porte sur la complexité et les transformations.

Beaucoup d’enfants de ma génération ont cassé des jouets pour comprendre “comment ça marche”. Pour onéreuse que puisse être cette curiosité elle était structurante (si la destruction n’était pas culpabilisée par les parents) car elle organise la vie psychique. Ce que les enfants mettent ainsi en compréhension, ce sont des fantasmes qui renvoient généralement  au fonctionnement de l’intérieur du corps maternel et  à la procréation. Le “comment ça marche” est d’abord un “est ce que cela marche bien” angoissé et la destruction sert d’abord de vérification.

Depuis au moins deux générations, les enfants qui cassent leurs jouets ne trouvent plus de points d’appuis ou structurer leur imaginaire. Ils se trouvent face à des boites noires

Cela ne veut pas dire que le travail psychique ne se fait plus, et qu’il faut préférer les jouets de nos grands parents à ceux d’aujourd’hui. Il se fait autrement. Il se fait autour de la complexité. Il se fait autour de ce qui entre et ce qui sort d’un dispositif. Il se fait autour de la transformation.

 

Le monde est devenu si complexe, la temporalité si accélérée que nous avons besoin de penser davantage qu’auparavant les phénomènes de transformation. Les émissions de télé réalité sont aux adultes d’aujourd’hui ce que les jouets cassés étaient aux enfants d’hier : des objets de travail pour comprendre leur monde. Ce sont des dispositifs exploratoires de systèmes hyper-complexes et des leçons magistrales sur les transformations qu’ils peuvent subir.