Depuis quelques temps, on voit fleurir dans les magazines féminins des articles sur l’éducation des enfants. Il s’agit là d’un sujet aussi infini que passionnant, hélas l’angle abordé est trop souvent l’autorité. Les choses se passent comme si éduquer un enfant était le soumettre à l’autorité des adultes. Il y a là au moins deux erreurs. La première consiste à réduire l''éducation à la question de l’autorité. Ou sont l’accompagnement ? La découverte ? Le soutien ? La transmission ? La seconde est de penser qu’un enfant éduqué est un enfant soumis.
On en arrive a des “conseils” qui justifient tout simplement la violence des grandes personnes envers les petites personnes. On trouve par exemple dans Avantages n° 265 du mois d’Octobre 2010 un encart “3 bonnes façons de le “mater”” qui est tout à fait explicite. L’illustration redouble la violence du texte : une femme, la main levée, est derrière une enfant et la menace. Si un parent a quelques doutes quand à la violence qu’il peut exercer sur son enfant, les voilà rapidement effacés. Ou y apprend que “mater” son enfant, c’est faire preuve d’autorité et cela est une bonne chose qui donne envie de grandir, aide à supporter les frustrations et rassure.
Que la violence des adultes donne envie de grandir, tout enfant qui en a fait les frais pourra le dire : tous rêvent d’être aussi grand que leur agresseur pour pouvoir se défendre ou lui rendre la pareille. Et une fois devenus grands, certains réussissent a réaliser ce désir auprès de leurs propres enfants.
Que supporter la frustration soit un but éducatif est tout simplement une perversion de l’éducation. Eduquer un enfant ce n’est pas le former à être passif devant les obstacles mis devant ses désirs. C’est l’aider à reconnaitre ces désirs et l’aider à construire les moyens de les réaliser lorsqu’ils sont conformes à l’éthique de sa société.
Enfin, que l’autorité rassure est vrai pour autant que l’on soit au contact d’un adulte qui ait autorité sur ses propres pulsions. En quoi est ce que éducatif de demander à un enfant de sursoir à ses désirs quand on est soi-même incapable de suspendre ses propres désirs agressifs ?
Car, disons-le clairement. Il n’y a qu’une seule raison qui justifie le fait d’être violent avec un enfant. La force. L’enfant est petit, incapable de se défendre. L’adulte peut donc se laisser aller en toute tranquillité à sa violence. La culpabilité qu’il risquerait de ressentir est par ailleurs amoindrie par des “conseils” tels que ceux qui sont donnés par l’article. Pourquoi se priver d’être violent alors que c’est pour le “bien” de l’autre ?
“Jusqu’à cinq ans, c’est adulte qui décide” peut-on lire Et plus loin “On a pas à lui expliquer pendant des heures pourquoi il doit se coucher , c’est au-delà de sa compréhension. On le met au lit. point”. Mais comment quelqu’un peut-il décider du désir de dormir de quelqu’un d’autre ? Et comment un enfant, même à 1 jour de vie, ne peut il pas comprendre qu’il est au bord de quelque chose qui lui est utile est nécessaire, et qu’il n’arrive pas à accéder ?
Les mesures du type “c’est l’adulte qui commande” ne servent qu’à créer de la souffrance et de la névrose. Ou l’enfant grandira en étant révolté comme toute sorte d’autorité, ou il se montrera incapable de faire preuve d’esprit critique dès lors que l’autorité sera invoqué. Dans un cas il sera inadapté à la société parce que en lutte avec les fantômes de son passé. Il révoltera sans cesse devant toute devant toute forme d’autorité. Dans l’autre, il sera très adapté à la société mais passera sa vie à être exploité par les autres, et parfois même par ses propres enfants.
L’autorité dont il s’agit dans l’éducation est une autorité sur soi-même. Pas sur l’enfant. C’est avoir autorité sur ses propres pulsions, sur son agressivité comme sur ses désirs sexuels qui éduque un enfant par la force de l’exemple. Faire preuve d’autorité avec un enfant, c’est moins lui interdire que le défendre. C’est parce que la réalisation d’un désir sous cette forme là lui est préjudiciable qu’il lui est demandé d’y sursoir. Et cela nécessite, parfois, un accompagnement.
Par exemple, laisser un petit enfant incapable de s’endormir seul dans sa chambre, c’est lui faire faire l’expérience de l’esseulement et de l’abandon. C’est lui donner les briques avec lesquelles il va construire sa névrose. C’est jouer au Loto avec son psychisme. C’est, tout simplement, le maltraiter. Prendre le temps de l’accompagner vers le sommeil, c’est reconnaitre avec lui la nécessité du sommeil et la difficulté dans laquelle il est de l’obtenir, et c’est lui donner l’expérience qu’il est soutenu.
Les enfants, leurs difficultés passagères ou durables, sont un miroir tendu aux adultes. Trop souvent, les adultes s’effraient de l’image qu’ils perçoivent et réagissent agressivement. Mais il y a là aussi des occasions de richesses extraordinaires : l’exercice de la reponsabilité, la rencontre avec un autre être humain, la reconnaissance de l’autre dans ce qu’il a de différent
Crédit photo : Bingo 1 to 9 squircle mosaic par Leo Reynolds