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dimanche 14 mai 2017

13 raisons de regarder 13 Reasons Why


La série 13 Reasons Why fait de l’objet de nombreuses critiques. Des professionnels de l’enfance ont exprimé la crainte qu’elle puis favoriser des comportements suicidaire chez des personnes vulnérable. Mais la preuve qu’un média puisse conduire une personne au suicide est faible



L’idée que le suicide puisse être contagieux est ancienne. Au 19e siècle, de nombreux suicides ont été attribués à la lecture du roman Le jeune Werther de Goethe. Même si un lien direct n’a pas été prouvé, l’idée de l’effet d’un média est resté dans les esprit. Les recherches plus récentes montrent qu’il existe risque d’imitation des conduites suicidaire lorsqu’elles sont confrontées au suicide d’un proche. 

Les psychologues ont tenté d’explorer la relation entre l’annonce d’un suicide dans les media et les comportements suicidaires. La question était de savoir si la description d’un suicide dans la presse pouvait produire des suicides par imitations. Les résultats d’un ensemble de recherche laissent penser qu’une imitation est possibles à certaines conditions. Ce n’est pas tant l’annonce du suicide qui est problématique que la manière dont le suicide est décrit. Les explications simple du geste suicidaire, le maintien d’histoires de suicide dans les média, la couverture sensationnelle du geste suicidaire avec des images dramatiques ou morbides, les modes d’emploi, la présentation du suicide comme une manière de résoudre un problème, ou encore la présentation exagérément positive du suicidant sont des facteurs qui contribuent à augmenter le risque suicidaire chez les personnes fragiles

Cependant, les preuves d’une relation directe restent faibles. Le suicide de Kurt Cobain a été largement couvert, avec des images dramatiques ou morbides. La manière dont la rock star a mis fin a ses jours a été minutieusement décrite, le suicide a été présenté comme une solution et bien évidemment Kurt Cobain a été glamorisé. Ainsi, toutes les conditions qui augmentent le risque suicidaire ont été réunies. Pourtant, cette couverture médiatique massivement mondiale n’a pas suscité d’imitation. 

L’idée d’une contagion des comportements suicidaires via les média a même été contestée. James B. HITTER qui a examiné les preuves de la validité du modèle suggestion-imitation du suicide met en avant que les études qui mettent en lien la couverture médiatique des suicides et les taux de suicide sont rares. Le réexamen de leurs résultat montre que le lien entre entre les deux variables est faible. 

Qu’en est il des suicides dans les fictions ? Là encore, la recherche apporte peu de certitude Après une revue de la manière dont le suicide est présenté dans la littérature, au cinéma et dans les séries télés, PIRKIS et ses collègues ne sont pas arrivé à trouver de relation évidente entre les suicides dans la fiction et les suicides réels.

13 Reasons Why dépeint une galerie de personnages aux prises avec les difficultés et les plaisirs de l’adolescence : la vie amoureuse et sexuelle, les excitants (alcool, drogue), l’agressivité et la violence (harcèlement, viol). Le personnage central est présent par son absence. Hannah Baker s’est suicidée en laissant derrière elle des cassette audio elle expose les raisons de son geste. La série est donc basée sur le lent dévoilement des facteurs précipitants du suicide d’Hannah. 

Un suicide n’est jamais le résultat d’un événement isolé mais découle d’une interaction de plusieurs facteurs prédisposants et précipitants.


  1. Les facteurs du suicide sont complexes : biologiques, psychologies et sociaux
  2. Les facteurs du suicide sont complexes : précipitants, déclenchants et protecteurs
  3. Les preuves d'une relation directe entre un média et un comportement n'ont jamais été apportées
  4. Les preuves d’une relation entre le suicide et les média (fictionnels et non-fictionnels) sont faibles
  5. Le suicide par imitation concerne des personnes qui sont liées dans la réalité
  6. La série ne glorifie pas le suicide de Hannah
  7. Le suicide d’Hannah n’est pas présenté comme une solution
  8. Le suicide d'Hannah n'est pas l'élément central de la série. Le harcèlement, le viol, la cécité des adultes sont des points importants
  9. La série ne présente pas le suicide d’Hannah d’une manière simple - elle ne s’appelle pas 13 Reasons Why pour rien 
  10. La série montre la différence entre l'expérience intime d'une personne et ce qu'elle peut laisser paraitre
  11. La série montre l'importance de capter les signaux faibles de détresse d'une personne
  12. La série donne l’occasion de parler avec les adolescents des problèmes qu’ils peuvent rencontrer et des solutions qu’ils peuvent trouver.
  13. 13 Reasons Why est une série. Son but est de divertir en suscitant une gamme d’émotions chez le spectateur

Au final, rien dans les résultats actuels de la recherche ou dans la série elle-même ne laisse penser que qu’elle puisse être à l’origine de comportements suicidaires. Les inquiétudes ce sujet apparaissent largement surdimensionnées. 13 Reasons Why donne l’occasion de passer un bon moment devant une série de télévision et de parler avec les adolescents de problèmes de santé mentale.






REFERENCES :




Jobes, D. A., Berman, A. L., O'Carroll, P. W., Eastgard, S., & Knickmeyer, S. (1996). The Kurt Cobain suicide crisis: perspectives from research, public health, and the news media. Suicide and Life-Threatening Behavior, 26(3), 260-271.




Hittner, J. B. (2005). How robust is the Werther effect? A re-examination of the suggestion-imitation model of suicide. Mortality, 10(3), 193-200.




Pirkis, J., & Blood, R. W. (2001). Suicide and the media: Part II. Portrayal in fictional media. Crisis: The Journal of Crisis Intervention and Suicide Prevention, 22(4), 155.


mardi 22 mars 2016

Comment parler des attentats aux enfants





Les attentats font de plus en plus souvent effraction dans notre quotidien.  Comment en parler aux enfants ? Comment évoquer avec eux le terrorisme, l’effroi, la mort soudaine et violente ? Il n’y a sans doute pas une seule façon d’en parler, mais toutes ont en commun de prendre en compte le niveau de développement car un enfant ne comprend pas la même chose à 6 ans et à 14 ans


D’une façon générale, les images sont des ponts entre les éprouves corporels et le langage. Elle aident à passer des émotions au langage et du langage aux émotions. Elles sont aussi d’excellents porte-modèles. Un des grands plaisirs du cinéma est de nous mettre au contact avec des images idéalisées de nous même. Les images violentes nous bouleversent parce qu’elles remettent en cause ces deux grandes fonctions Avec la violence, l’image n’assure plus un va et vient entre la parole et les émotions mais elle devient fixe. L’image réelle du téléviseur ou du cinéma risque de substituer à l’image psychique interne de la personne. La fonction d’idéal est également remise en cause par les images violentes. Si chacun de nous est porteur de désirs agressifs ou de destruction, les images violentes des attentats ne sont porteuses d'aucun idéal.


Pour les enfants les plus jeunes, le plus important est de leur continuer à leur garantir la sécurité psychologique dont ils ont besoin ils ont besoin. Lorsque l’enfant est plus agé, l’aide passe davantage par la discussion


  • Evitez le contact avec les information ou les vidéo pour les enfants les plus jeunes. Plus l’enfant est jeune, plus il a des difficulté a faire une différence entre son monde imaginaire et le monde de la réalité. Pour jeune enfant  les images du journal télévisé peuvent être très très perturbantes. Même un témoignage radiodiffusé plein d’émotions peut être l’occasion de peurs intenses et de cauchemars. Le plus simple est d’instaurer un embargo total sur ces images

  • Si l’enfant est devant des images perturbantes, éteignez le téléviseur en commentant sobrement qu’il s’agit d’images qui peuvent intéresser les adultes. Proposez à l’enfant une activité adaptée à son âge.


  • Certains enfants cherchent a assimiler les images violentes auxquelles ils ont été confrontés en les intégrant à leurs jeux. Par exemple, l’enfant va prendre des playmobils et déclarer qu’une bombe à tué tout le monde. C’est un mécanisme normal et sain. Entrez dans le jeu et jouez les sauveteurs. Devant une telle tragédie, il y a beaucoup de choses à faire : les blessés peuvent êtres soignés, des équipes de soldats et de policiers peuvent construire une zone sécure et le héros préféré de l’enfant peut même faire une apparition. L’important est que le sentiment de sécurité soit restauré dans le jeu, que celui ci soit l’occasion de ventiler des émotions et que le jeu dans son ensemble soit une expérience de plaisir. Pour ceux qui s’inquiètent de tels jeux, il faut se rappeler que les enfants des camps de concentration jouaient à “la chambre à gaz”. Ceux qui ont eu la chance de survivre ne sont pas devenus des nazis.


  • Pour les enfants plus âgés, l’assimilation des expériences traumatiques ou problématiques passent moins par le jeu et davantage par la parole. A l’époque de Twitter, Snapchat et Facebook, il serait étonnant qu’un enfant de 10 ans et plus n’ai pas vu passer quelques images ou vidéo en lien avec les attentats. Il faut alors avoir une attitude proactive en interrogeant les enfants. Gardez en tête que tous les enfants ne sont pas nécessairement affectés par les attentats. Certains ont développé des mécanismes de défense ou de coping qui leur permet de se passer de l’assistance des adultes. L’enfant peut être invité à parler mais ais jamais forcé à partager son expérience. A la question “Est ce que tu as entendu parler des attentats ?”on se contentera donc d’une réponse vague.  

  • La perception que les enfants ont construit des attentats peut être fausse. Elle l’est même dans la très grande majorité des cas tout simplement parce qu’ils n’ont pas encore construit les capacités de pensée qui leur permettre de maitriser les abstractions qui permettent de refléchir sur les attentats. Il peut être utile de les aider à corriger les erreurs comme les généralisations abusives

  • Reconnaissez les émotions. Une bombe qui éclate et tue des dizaines de personnes est un événement effrayant. Affirmer le contraire c’est utiliser un mécanisme de défense qui peut être efficace mais qui est aussi peu adapté qu’un automobiliste qui se cacherait les yeux parce que la route est effrayante. Dire à l’enfant qu’il n’a pas à s’effrayer, c’est dénier une partie de ce qu’il éprouve.


  • Faites valoir des éléments concrets. La distance est un élément clé. Ce n’est pas parce que les images sont dans le salon ou la tablette et qu’elles provoquent des émotions qui nous touchent qu’ils se sont déroulés près de nous. Pour un enfant, savoir que les choses se passent au loin peut être très rassurant surtout si les explications faites a l’aide d’une carte.

  • Les adolescents peuvent avoir des réactions paradoxales. Certains peuvent glorifier les terroristes. D’autres afficheront une froideur extrême. Cela n’en fait ni des terroristes ni des psychopathes. Il faut ici prendre en compte que le développement de la moralité n’est pas achevé à l’adolescence. Pour d’autres, la question est davantage celle de l’utilisation de mécanismes de défense qui visent à maintenir les émotions à distance par crainte d’être débordé par elles.

  • Rappelez à l’enfant qu’il y a toujours quelqu’un pour aider. Quelque soit l’angoisse ou l’horreur provoquée par un des hommes, il y aura toujours d’autres hommes pour trouver des remèdes. Il peut s’agir de soldats, de médecins, d’hommes ordinaires qui font preuve de courage extraordinaire



SOURCES

Eisen, George. Children and play in the Holocaust: Games among the shadows. Univ of Massachusetts Press, 1990

Kohlberg, Lawrence. "Stades de la moralité et moralisation. L’approche cognitive-développementale." Psycho Sup (2013): 129-170.

.Lardellier, Pascal. Violences médiatiques: Contenus, dispositifs, effets. Editions L'Harmattan, 2003.

Stiegler, Bernard, and Serge Tisseron. Faut-il interdire les écrans aux enfants?. Mordicus, 2010.

jeudi 11 février 2016

Une nouvelle étude montre que les jeux vidéo peuvent avoir des effets positifs sur les jeunes enfants




Quel est l’effet des jeux vidéo sur la santé des jeunes ? Avec un temps moyen de 6 heures par semaine passées à jouer (NIELSEN, 2013), les jeux vidéo sont les compagnons quasi-quotidiens des jeunes. Il est donc important d’évaluer leurs effets sur le fonctionnement psychologique et social des enfants.

Un étude Européenne publiée dans la Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology apporte des éléments importants au débat. Le caractère européen de l’étude lui donne une valeur particulière. En effet, la recherche sur les jeux vidéo est en majorité nord-américaine. Si l’on peut raisonnablement penser que les résultats de nord américains sont applicables à l’Europe, il est tout aussi raisonnable de penser que les pays européens ont des spécifificités qu’il est intéressant de prendre en compte. Cette étude comble donc un manque important dans la recherche.

Les auteurs de l’étude ont procédé par questionnaire. Les parents de plus de trois mille enfants agés entre 6 et 11 ans ont été interrogés sur les pratiques vidéo ludiques de leurs enfants. Les enfants, leurs enseignants et leurs parents ont rempli un questionnaire de santé mentale. Enfin, le niveau de performance scolaire a été évalué par les enseignants. 


Les principaux résultats de l’étude sont les suivants


  • 20% des enfants jouent plus de 5 heures par jour. 
  • Le fait de d’être élevé par une mère seule, peu diplômée, inactive ou en détresse psychologique influe négativement sur le temps passé à jouer. 
  • Les enfants de l’Europe de l’Ouest ont tendance à jouer moins que les autres. 
  • Le jeu intense est associé à un fonctionnement de haut niveau et n’est pas associé à un problème psychologique rapporté par l’enfant, le parent ou l’enseignant.
  • Le jeu intense est associé a peu de problèmes avec les pairs


Ces résultats peuvent sembler contre-intuitifs mais ils confirment d’autres études. GRANIC a par exemple a montré à a partir d’une revue de la littérature les effets positifs des jeux vidéo dans la vie cognitive, sociale et affective des gamers. 

Il existe donc de nombreux arguments qui vont dans le sens de la conclusion de cette recherche : jouer aux jeux vidéo peut avoir des effets positifs sur les jeunes enfants


SOURCES
Kovess-Masfety, Viviane et al. "Is time spent playing video games associated with mental health, cognitive and social skills in young children?." Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology (2016): 1-9.

Granic, Isabela, Adam Lobel, and Rutger CME Engels. "The benefits of playing video games." American Psychologist 69.1 (2014): 66.




jeudi 4 février 2016

Faites de vos enfants des maîtres du temps avec les jeux vidéo


Beaucoup de parents font des jeux vidéo des occasions de conflits avec leurs enfants alors qu’il est possible d’en faire des occasions de développement personnel. Il est vrai qu’avec un temps moyen quotidien de 7 heures 38 minutes (Source : Kaiser Foundation, 2010), le temps passé auprès des écrans peut causer des difficultés tout simplement parce qu’il peut empiéter sur d’autres activités nécessaires à l’enfant. Il peut alors être facile de blâmer les jeux vidéo pour leurs plaisir. Mais le même reproche pourrait être fait aux livres pour un enfant qui se passionne pour la lecture. 

La question est moins celle de l’attrait des jeux vidéo que celle de la gestion des temps de travail et de plaisir. Pour les parents, le moyen le plus efficace d’obtenir de leurs enfants est sans doute de leur montrer l’exemple. Les enfants sont très peu sensibles aux grand discours, mais il ont tendance a se baser sur le comportement de leurs parents pour régler leurs propres . Ainsi, si les parents se montrent capables d’abandonner Facebook ou leur jeu vidéo favori pour répondre à leurs enfants, jouer avec eux, ou tout simplement s'acquitter de leurs taches quotidiennes, les enfant apprendront par cet exemple qu’il est possible de quitter une activité plaisante et comment s’organiser pour se donner le temps de jouer et de travailler. 

Les psychologues appellent modelling le processus d’apprentissage social qui permet aux enfants d’apprendre par imitation ou identification. Cet apprentissage peut être donné aux enfant de plusieurs manières

  • Jouez aux jeux vidéo avec les enfants en allouant un temps de jeu. “j’ai 20 minutes de temps libre, et si l’on faisait une partie de Dance Dance Revolution ?”. A la fin du temps de jeu, arrêtez de jouer en disant aux enfant à quel point la partie était amusante. 
  • Lorsque la partie est terminée, donnez rendez vous aux enfants pour une autre partie et tenez votre engagement. Les enfants apprendront ainsi que les rendez-vous pris sont tenus et 
  • Il peut être intéressant de choisir des jeux vidéo ou le temps est un élément décisif. Des jeux comme Plant vs Zombie ou Dungeon Defender qui demandent au joueur de hierarchiser ses actions en fonction du temps permettent de faire des apprentissages dans ces domaines
  • préparez les futures sessions de jeu en utilisant un calendrier. Le banal calendrier de la Poste peut rendre d’inestimables services, mais pourquoi ne pas en profiter pour apprendre aussi aux enfants à utiliser un calendrier en ligne ? Utilisez Google Calendar ou un calendrier comme http://www.cozi.com/ pour préparer les futures parteies
  • Les apprentissages ne se font jamais magiquement. Il ne sont véritablement effectifs que lorsque l’enfant prend conscience de ce que le nouvel apprentissage lui apporte. Aussi, il est important de souligner cet aspect aux enfants : “Nous avions prévu la semaine dernier une partie de Guitar Hero. C’est l’heure. Qui lance la partie ?”
  • Le temps est la clé. N'attendez pas que votre enfant soit adolescent pour tenter de lui apprendre a gérer son temps. Plus les enfants sont jeunes, plus ils ont tendance à modeler leurs attitudes sur l'exemple de leurs parents. Soyez donc dès le départ un bon modèle.

samedi 2 mai 2015

Une épidémie de narcissisme ? Pas vraiment



L'évolution du narcissisme au cours des 20 dernières années a été qualifiée par Jean Twenge et Keith Campbell comme "épidémique". La technologie numérique et les pratiques éducatives seraient responsables de toute une génération de petits Narcisses


Twenge et ses collègues ont soulevé des préoccupations au sujet d'une épidémie de narcissisme dans une série d'articles. Cette augmentation est un effet du mouvement d'estime de soi qui aurait créé "une armée de petits narcissiques". Depuis vingt ans, le niveau de narcissisme a considérablement augmenté. Cependant, les preuves d'une telle augmentation ont été mises en question par plusieurs auteurs. Par exemple, Trzesniewski et al. (2008) montrent que les données ne permettent pas d'affirmer que "le narcissisme est plus important dans les dernières générations"

L'étude de Donnellan et al. reprend la question d'une évolution dramatique du narcissisme chez les jeunes en utilisant la même méthodologie que Twenge Les données proviennent des tests utilisés à l'Université de Berkerley( 1996), de U. C. Davis (2002 à 2009) passés par plus de 30000 étudiants. L'échelle utilisée est la NPI et l'âge des participants va de 18 à 24 ans. L'échantillon est différent de celui de Twenge car il comprend en plus des données supplémentaires pour les années 2007 et 2008. ll prend également en compte l'origine ethnique des participants pour l'année 1996

Les corrélations entre les années et les scores de la NPI sont faibles, ce qui ne va pas dans le sens d'une augmentation importante du narcissisme sur les années 1996-2008. Les corrélations entre le sexe et les scores du narcissisme sont également faibles. Enfin, les résulatts aux 7 substests de la NPI ont été corrélés au sexe et à l'origine ethnique. Là encore, les corrélations trouvées sont faibles. La corrélation la plus faible a été trouvée pour la sous échelle Entitlement qui est fortement liée a l'agression. Ainsi, l'élément le plus toxique du narcissisme n'a pas augmenté ces dernières années.

Il n'y a pas d'augmentation substantielle du narcissisme que l'on prenne en considération le sexe, l'origine ethnique ou les composantes de la NPI. Toutes les tailles mesurées sont en dessous de ce qui est considéré comme un effet faible

Pour les auteurs, une approche plus mesurée de la question du narcissisme est nécessaire. Les données issues de 300.000 participants montrent aucune évolution du narcissisme pour les hommes, pour deux des quatre groupes ethniques et pour trois facettes du narcissisme. . De ce fait, il n'est pas possible de parler d'une épidémie de narcissisme pour toute une génération.

SOURCE Donnellan, M Brent, Kali H Trzesniewski, and Richard W Robins. "An emerging epidemic of narcissism or much ado about nothing?." Journal of Research in Personality 43.3 (2009): 498-501.

mardi 30 décembre 2014

11 conseils pour les adolescents qui sont sur Internet

Le numérique fait de plus en plus partie de la vie des enfants et des adolescents. Dans la très grande majorité, l’Internet est associé à des éléments positifs. Les adolescents s’en servent pour trouver de l’information et discuter avec leurs amis. Il arrive aussi qu’ils soient confrontés à des éléments négatifs comme des média qui ne sont pas adaptés à leur âge, à des contacts non sollicités ou à du harcèlement. Voici quelques bons conseils à l'intention des jeunes (et des moins jeunes) digiborigènes.

  • Soyez un bon digiborigène 
L’utilisation des forums, des réseaux sociaux et du mail répond à des règles appelées “nétiquette ”.  RESPECTEZ-LA !


  • Si vous ne pouvez pas montrer la photo/le texte à votre mère, alors ne postez pas 
Le conseil s’explique de lui-même
  • Tout ce qui est numérique devient social un jour 
Si c’est numérique, cela pour être partagé. Pensez-y avant de faire cette photo, cette vidéo ou d’envoyer ce message. 

  • L’internet est un espace social 
L’internet est un espace massivement social. Les règles de politesse s’y appliquent donc massivement.

  • Postez les images le lendemain 
Donnez-vous le temps de la réflexion avant de poser des images d’une fête ou d’une sortie.
  • Vérifez vos réglages de confidentialité 
Les règles de confidentialité des sites sociaux changent régulièrement. Assurez-vous que les réglages correspondent à ce que vous souhaitez.

  • Ne nourrissez pas les trolls 
“Ne nourissez pas les trolls” est une vieille sagesse des mondes numériques. Un troll est une personne ou un message posté dans le but de provoquer de la détresse ou de la colère. La meilleure stratégie est d’ignorer le message. S’il est possible de la signaler à l’administrateur, faites-le.
  • Sachez vous tenir loin des écrans 
Lorsque être en ligne suscite plus d’énervement que de plaisir, il est temps d’éteindre les appareils et d’aller faire autre chose.
  • Les amis en ligne sont les amis hors-ligne
Sur les réseaux sociaux, privilégiez les liens et les discussions avec vos amis et votre famille.
  • Les problèmes arriveront 
Vous aurez des problèmes sur Internet tout simplement parce que les relations sociales sont compliquées. Préparez-vous.
  • Ayez une personne avec qui parler des problèmes sur Internet 
Lorsque les problèmes commencent à être hors de contrôle, il est bon de pouvoir compter sur quelqu’un.  Si vous ne pouvez pas en parler avec un membre de votre famille, pensez aux Promeneurs du net

vendredi 1 août 2014

Quelques remarques d'un psychologue à propos du Fire Challenge




Le “fire challenge” est un défi dans lequel le participant s’enflamme après avoir enduit son corps d’un combustible. La vidéo est ensuite mise en ligne. Les média français ont massivement relayé ce jeu après qu’un adolescent soit mort des des conséquences des brûlures qu’il s’était infligé. A ma connaissance, en France, on ne déplore qu’un seul cas de “fire challenge”

Une des premières vidéos de “fire challenge” date de 2012. On y voit YouTuber, 1BlazinEagle1 met le feu à sa poitrine. En avril 2013, RolandConstantino crée le hastag #FireChallenge pour les vidéos dans lesquels une flamme se trouve près d’une partie du corps ou en contact avec le corps.En juin 2013, 1BlazinEagle1 poste la vidéo Nuts & Chest Fire challenge dans laquelle des jeunes hommes mettent le feu aux poils de leurs poitrines. La mort de James Shores suscite un traitement des média. Plusieurs cas tragiques sont alors rapportés. Les médias sociaux régissent en supprimant le hastag #FireChallenge

Ces comportements ne sont pas nouveaux. Il existe quantité de jeux dangereux chez les adolescents et chez les enfants. Le Eraser Challenge consiste à réciter l’entement l’alphabet en frottant une partie de son corps avec une gomme. Le résultat est le plus souvent des brûlures au premier ou second degré. On a également vu sur les média sociaux le Hot Pepper Challenge qui consiste à manger un piment, avec comme résultats une sudation importante, des nausées, et des vomissements

Ces comportements ne sont pas liés au réseau Internet. Les enfants ont toujours joué à des jeux dangereux. Il suffit d’ouvrir La guerre des boutons pour s’en convaincre. Les bagarres du livre de Louis Pergaux se retrouvent dans les jeux ou un enfant est battu parce que une cannette de boisson lui est passée entre les jambes (jeu de la canette) ou parce qu’il n’a pas réussi à attraper un ballon que les autres enfants font circuler (jeu du cercle infernal). Ces jeux, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui,  sont joués parce qu’ils apportent des sensations fortes, parce qu’ils permettent de jouer avec la mort, et parce qu'ils permettent de briller aux yeux des autres.

Le Fire Challenge est un jeu de défi dans lequel le joueur réalise un exploit. Il s’agit d’un jeu intentionnel, non contraint, dans lequel le joueur s’expose volontairement au risque. Le joueur cherche à éprouver des sensations intenses et à s’en rendre maitre. Il est également sensible à l’effet produit sur ses camarades. Il existe une dimension ordalique à toutes ces conduites puisqu'elles engagent un risque létal. Les vidéos dans lesquelles des jeunes gens jouent les équilibristes sur des toits de bâtiments russes correspent à ces conduites. La confrontation à l’accident et à la mort rassurent alors la personne sur sa capacité à être vivante et conforte son identité.

On sait pour l’instant encore peu de choses sur les personnes qui jouent au “Fire Challenge”. On ne sait rien de leurs histoires, de leurs personnalités, ni de leurs environnements sociaux alors que ce sont là des facteurs déterminants dans l’expression d’un comportement. Une seule chose est sûre : ces phénomènes sont là pour durer. D’une part parce qu’ils ont toujours été là. Les enfants, puis les adolescents, ont des jeux qui peuvent être dangereux. Ces jeux sont joués précisément parce qu’ils ont cette qualité. D’autre part, le réseau Internet leur donne une visibilité qu’ils n’avaient pas auparavant. Les digiborigènes ont intégré à leurs vies la documentation par l’image de tout ce qui est source d’excitation ou de plaisir pour eux ou pour les autres. Il leur est donc naturel de mettre en ligne ce genre de jeux.

Pour les adultes, c’est l’occasion de faire un travail d’éducation. Trop souvent, les articles de presse et les commentaires sur les réseaux sociaux se limitent à blâmer les adolescents pour qui ces jeux ont mal tourné. Il y a mieux à faire. Il est tout d’abord important de traiter ces jeunes gens avec bienveillance. Il est ensuite nécessaire de rappeler l’interdit fondamental fait à la personne d’éviter tout comportement qui pourrait lui nuire. C’est un devoir des plus vieux envers les plus jeunes que de rappeler ce que la vie doit à la vie. C’est un devoir des adultes que de dire aux jeunes que la vie est fragile. C’est un devoir de la société toute entière que de témoigner pour les plus jeunes une empathie qui traduise le désir de les voir vivants.

mercredi 2 juillet 2014






Les creepypasta sont de récits d’horreur produits et publiés sur l’Internet. Le forum /x/ de 4chan est un des lieux de production de ces récits. Ils sont généralement courts, violents, de qualité diverse et d’auteurs sont anonymes. 

Les creepypasta peuvent être comparés à d’autres formes de récits imaginaires. ils partagent avec les contes et les films d’horreur des éléments communs. Mais ils ont également des caractéristiques qui leur sont propre. Nous allons commencer par comprendre les raisons qui poussent à produire des histoires à faire peur avant d’examiner plus en détail ce que les creepypasta peuvent avoir de spécifique.

Pourquoi jouer avec la peur ? Qu’est ce qui pousse les enfants à aider toutes histoires où les personnages sont perdus dans des forêts dangereuses, dévorés par des loups ou des orgres, ou encore trahis par leurs parents ? Si les enfants aiment fréquenter la peur dans des récits, c’est parce que ceux-ci leur donnent des images dans lesquelles ils peuvent se reconnaitre. Les contes reprennent des enjeux de développement. Ils confrontent aux mystères de la vie, de la mort et de la sexualité. Par l’identification au héros, ils encouragent la curiosité et le courage. Ils raffermissent la confiance dans le coeur de l’enfant en racontant que les situations les plus tragiques peuvent se retourner avec de l’ingéniosté. Ils l’aident à comprendre l’importance du temps et des transformations qu’il apporte. 

Les contes soutiennent l’enfant par plusieurs voies différentes. Les intonations, les gestes, les mimiques du conteur dont tout d’abord des commentaires mis en marge du texte du conte. Ils indiquent à l’enfant ce qui, dans sa famille et sa société, est souhaitable et ce qui est répréhensible. Les images qui accompagnent les livres de conte sont également des invitations à imaginer. Ils donnent à la fonction imaginante de l’enfant un contener 

A l’adolescence, l’enfant retrouve les plaisir des jeux avec la peur. Ce jeu lui est d’autant plus nécessaire que la poussée pubertaire modifie les rapports qu’il a avec le monde et en particulier avec les parents. La désidéalisation des parents, aidée par leur vieillissement, et la prise de conscience des enjeux de l’âge adulte, le plonge dans des angoisses existentielles. Les récits d’horreur en sont transformés.Ceux qui étaient, au moment de l’enfance, des ogres terribles (mais facilement trompés par l’intelligence du petit) ou de bons parents idéalisés (le bon roi et la bonne reine) deviennent des entités d’une grande malveillance et ou d’une grande puissance. Le média par lequel ces récits sont transportés est également changé. L’horreur se vit maintenant dans les salles obscures des cinéma, si possible en groupe ou en couple, ce qui permet de réarticuler la violence et la sexualité. Si le conte privilégiait les images mentales, le cinéma d’horreur privilégie les images visuelles. Celles ci deviennent de plus en plus précises. Plus rien de l’horreur ou du martyre des victimes n’est épargné aux spectateurs. L’idée de “tout montrer” a pu faire craindre à certains que le film d’horreur laisse moins de place au travail de l’imaginaire que le conte.

Les creepypasta sont une autre façon de jouer avec la peur. Ces récits sont différents du conte et du cinéma d’horreur sur au moins trois points. Tout d’abord, les creepypasta sont des produits de la rencontre de la culture juvénile et de l’Internet. Les adolescents ont toujours aidé à jouer à se faire peur. L’internet permet de compiler ces récits et de les partager facilement. C’est ce qui s’est passé avec les creepypasta dont un des lieux d’origine est le /x/ un forum de 4chan consacré au surnaturel. Les récits plus partagés, et donc probablement les plus lus, sont ceux qui mêlent les angoisses adolescentes aux temps présents : intelligences artificielles qui deviennent folles, puissances tapies dans le darknet mettent l’horreur au gout du réseau. Avec ces récits, l’horreur retrouve l’oralité du conte. Les images visuelles redeviennent rares et chacun doit, à nouveau, se fabriquer ses propres images. Enfin, l’écriture des creepypasta est hypertextuelle et hypermoderne. Le fragment est préféré aux longs récits. D’abord parce parce qu’il faut adapter les textes aux machines utilisées pour les lire. Sur les forums, lire plusieurs pages peut rapidement être fastidieux. Ensuite, parce que le fragment est l’écriture qui correspondent le plus à la postmodernité. Elles traduisent d’ailleurs souvent une des propriété du réseau Internet. La transmission du réseau devient avec les creepypasta une contagion puisque le lecteurs est souvent menacé de connaitre le sort funeste des protagonistes de l'histoire. Les creepypasta traitent le plus souvent des situations d’inquiétante étrangeté. En cela, elles sont différentes du conte ou du film d’horreur. Le conte traduit les étapes de développement de l’enfant et les conflits qu’il rencontre en pointant les voies d’élaboration possible. Le film d’horreur met en image la conflictualité sexualité-violence. Les creepypasta sont davantage du coté des limites (perdues) entre le vivant et le non-vivant, l’animé et l’inanimé, le rêvé et le réel. 

Jouer à se faire peur est un des grands jeux de l’enfance. On pourrait même généraliser le rapport de la peur avec le jeu en affirmant que celui-ci a pour fonction de rendre celle là plus vivable. Tous les jeux comportent une part de peur : peur d’être attrapé par le loup, peur de perdre ses billes ou la partie de cartes, peur d’être découvert trop tôt etc. Les contes, les films d’horreur et les creepypasta permettent, chacun à leur façon, de jouer avec ses peurs. 








dimanche 30 mars 2014

Les adolescents, les smartphones et l'école totalitaire



Le sociologue Erving Goffman appelle “kit identitaires” les objets que des personnes portent sur elles afin de raffermir leur sentiment de soi et de soutenir la manière dont elles se présentent aux autres. En d’autres termes, nos objets et nos possessions participent à la construction de nos identités. 

Nous avons maintenant de nouveaux kit identitaires. Ce sont les téléphones portables qui nous accompagnent dans notre quotidien. Ils sont des extensions de soi en ce sens qu’il permettent d’être en lien ou de s’isoler. Ils permettent d’appeler des proches et de communiquer avec eux de différentes façons. L’utilisateur peut capturer des moments en prenant des photographies ou des films. Il a acces à l’Internet ou il peut participer à des discussions en postant de nouveaux contenus ou en lisant ceux des autres. Il peut lire les flux d’information auxquels il est abonné (YouTube, Twitter etc…). Dans les moments de tension, le smartphone permet d’écouter de la musique ou de regarder des vidéo. Le téléphone est donc devenu bien plus qu’un téléphone. Il est un couteau suisse identitaire avec lequel les individus construisent et modèlent leur s identités.

Bien trop souvent, ces outils sont maintenus à l’écart des établissements scolaires. Les réglements intérieurs interdisent aux élèves d’utiliser des smartphones ou même tout simplement de l’avoir dans la main. En cas de transgression, l’école peut faire des abus de pouvoir en confisquant l’appareil pendant plusieurs jours. En interdisant les téléphones portables, les établissements scolaires découpent un espace et un temps dans lequel l’expression de l’identité des enfants est amputée. Elle les rend muets à eux même et aux autres.

L’école montre ainsi qu’elle fonctionne de manière totalitaire. En effet, les kit identitaires sont l’expression de ce que chacun peut avoir de personnel voire d’intime. Ils articulent l’identité sociale et l’identité personnelle. Les institutions qui les interdisent sont qualifiées de “totalitaires” par Goffman C’est le cas de l’hopital et de la prison pour lesquels les caractéristiques individuelles des personnes importent peu. Elle construisent pour chacun l’identité dont elles ont besoin pour remplir leurs fonctions. C’est aussi le cas de l’école qui supprime pour chaque personne ce qu'elle a de plus personnel dans le but de le transformer en élève. 

Que sera la mémoire des enfants qui sont aujourd’hui à l’école ? C’est assez facile à imaginer. Leur quotidien sera massivement documenté dans leurs archives personnelles. Il sera également en images, en vidéo, et en status sur leurs comptes Facebook, Vine et autre Twitter. Ces mémoires téléversés sur l’Internet seront partagées et enrichies par les commentaires des autres. Mais elles seront frappées d’une immense tache blanche. On n’y verra ni les cours des collèges et des lycées, ni les salles de classes, ni les images d’amis et de professeurs en situation. En d’autres termes, un espace dans lequel les enfants passent 8 heures par jour et 3 a 6 années de leurs vies sera frappé d’amnésie numérique. 

Dans un monde ou les contenus numériques participent à la construction de soi, en interdisant les smartphones, les établissements scolaires amputent les mémoires individuelles et collectives. Elles font obstacle à la manière dont aujourd’hui, les enfants construisent leur expérience de soi et leurs identité.


samedi 11 mai 2013

Le réseau internet comme ferment de l'adolescence

Lorsqu'il s'agit d'Internet et d'adolescents, on se retrouve souvent face à deux attitudes opposées. La première attitude est de percevoir les adolescents comme des personnes à protéger du fait de leur immaturité. Dans ce contexte il faut donc leur éviter d'être confronté à des contenus considérés comme gênants pour leur développement. La seconde attitude est de concevoir les adolescents comme des personnes incontrôlables dont les conduites problématiques voire délictueuses doivent être punies.
Ces deux attitudes ne prennent pas en compte les spécificités du réseau ni celles de l'adolescence. L'adolescence est un moment de transformation au cours duquel la personne se ré-invente. Au terme de cette transformation, elle doit être capable d'établir des  relations bienveillantes et significatives, être intégrée à des groupes différents de son groupe familial, et être capable d’établir des limites sures quant à son identité et son intimité.
Le réseau Internet participe de ce travail. En effet, le réseau est principalement utilisé à des fin récréationnelles et de socialisation. L'internet est quelque chose entre le parc d'attraction, le centre commercial et le hall d'immeuble. On y traine avec quelques amis, on s'y fait voir, on y discute.
En permettant de se lier et de communiquer avec d’autres personnes, tout en gardant la maitrise de ce qu’il expose, les relations en ligne participent du travail de l'adolescence. Elles permettent de réduire les sentiments d’isolement et de solitude, de reconnaitre ses émotions et ses pensées comme valables au travers d’un processus de comparaison sociale et d’expression de soi..
Cela est vrai pour les espaces que les adultes aiment voir les adolescents fréquenter : sites éducatifs, espaces de jeu proprement balisés. Mais cela est vrai aussi (et peut être même surtout) pour des espaces plus sombres.
Il existe sur l'Internet des communautés spécialisées dans les comportements auto-destructeurs. Ces communautés peuvent être pérennes, c'est à dire organisées autour de forums, de pages LiveJournal, ou pages Facebook. Elles peuvent également être "volatiles", et n'apparaitre qu'à l'occasion d'un tweet ou d'un message sur Facebook.
La plus connue de ces communauté est la communauté "pro-ana" ou "anamia"  (Antonio Casilli travaille sur la sociabilité anamia). Dans cette communauté, l'anorexie n'est pas le trouble grave des conduites alimentaires que l'on connait, mais une amie à qui l'on écrit des poèmes. "L'anorexie n'est pas une maladie, mais un style de vie" est le slogan fédérateur de ces groupes dans lesquels on s'échange des trucs pour manger le moins possible. D'autres communautés se fédèrent autour des auto-mutilation ou du suicide. Les membres de ces communautés font une identité de ce que est considéré ailleurs comme un diagnostic psychiatrique en produisant un matériel important à l'occasion d'échanges sur des conduites auto-destructrices
C'est précisément ce point qui est important : le contenu est généré par les utilisateurs. Il ne s'agit pas d'images diffusées par un mass-média a destination d'une cible précise. Il s'agit d'images et de récits pris dans la vie et l'histoire de chacun. Ces images et ces récits, aussi troublants puissent-ils être, sont autant d'indices d'un travail sur soi. Sur les forums ou il est questions d'automutilation, les signatures et les profils de quelques utilisateurs mettent en avant les conduites automutilatrices. Mais s'effrayer des images sanglantes, et des photographies de cicatrices risque de faire oublier que la grande majorité des messages sont des messages de soutien. Puis viennent les messages qui évoquent le contexte et les motivations de l'automutilation. 
Les signatures des messages comportent des extraits de poésie, de chansons ou renvoient vers un livre . Les messages sont très majoritairement des messages de soutien (28,3%) et des messages donnant le contexte et les motivations de l’automutilation (19,5%. Puis viennent les messages traitant du masquage des cicatrices laissées par les auto-mutilations (9,1%)
La créativité est une composante de l'expression de l'identité. Elle est utile dans le développement de la personne. En effet, la créativité est soi l'expression d'un vrai-self, aussi libre que possible de contraintes externes et internes (Winnicott), soi un moyen d'explorer de nouvelles modalités d'être (Rothenberg, 1990). Cette créativité est favorisée par des éléments qui peuvent facilement être retrouvés dans les communautés en ligne : la motivation intrinsèque, l'individualisme, l'absence de jugement, le regard positif des autres. Dans les communautés en ligne, chacun est libre de produire des contenus et de commenter ceux des autres. Les conseils donnés et le soutien apporté aux autres est également une décision libre de chacun. Le climat de permissivité et de tolérance permet à chacun de se sentir accepté et compris  pour ce qu'il est, et ce jusque dans ses conduites les plus destructrices.

On a longtemps pensé que l'Internet avait des effets désocialisants. On sait maintenant qu'il a des effets de socialisation chez les adolescent en mal d'eux-même : les adolescents auto-mutilateurs ont davantage tendance a utiliser l'Internet que les autres (1)Ainsi, les communautés en ligne problématiques jouent un rôle tout à fait positif. Au delà des contenus provocateurs, elles permettent aux adolescents en difficultés d'être en lien avec d'autres personnes.

(1) Mitchell K, Ybarra M: Online behavior of youth who engage in self-harm provides clues for preventive intervention. Preventive Medicine: An International Journal Devoted To Practice And Theory 2007,45(Suppl 5):392-396. OpenURL