lundi 22 août 2011

Ouvrir un blog pour/avec un enfant

Plusieurs solutions sont offertes. Il est possible d’ouvrir un blog sur une plateforme spécifiquement dédiée aux enfants. Les avantages tiennent au filtrage des contenus. Par exemple, Canaille Blog est réservé aux enfants de moins de 13 ans. Le pseudonymat est imposé et l’accent mis sur la nécessité de s’exprimer dans un français correct

Pourquoi ne pas le faire ?

Trois grandes raisons conduisent généralement les adultes a limiter l’accès a la blogosphère aux enfants.

La première raison est que les enfants s’abrutissent devant les écrans. Il serait donc souhaitable qu’ils aillent faire autre chose que de tenir un blog.

La seconde raison est que les enfants risquent de livrer leur intimité sur le réseau.

La troisième est que les enfants risquent de faire de mauvaises rencontres sur le réseau.

 

 Pourquoi le faire ?

Les enfants sont entourés d’adultes qui se servent quotidiennement du réseau pour leur travail, leurs achats, ou leur vie sociale. Il voient leurs parents mettre des photos (parfois leurs photos ) sur le réseau et les partager avec leur famille et leurs amis. Ils sont donc conduits à vouloir faire la même chose par identification. Ce mouvement ne doit pas être interdit mais accompagné.

L’idée selon laquelle les enfants s’abrutissent devant les écrans est fausse car incomplète. C’est un usage possible des écrans, et il n’est d’ailleurs pas limité aux enfants !  Dans ce cas, il vaut mieux essayer de comprendre avec l’enfant ce qu’il essaye d’éviter de penser. En effet, la suppression des écrans l’amènerait simplement à trouver un autre moyen pour ne pas penser.

Publier en ligne n’est pas nécessairement faire part de son intimité. Mais c’est toujours se poser des questions sur ce que l’on souhaite garder pour soi et ce que l’on souhaite rendre public. Dire que l’on est allé au cinéma et que l’on a aimé tel film, est-ce intime ou public ? Dire que l’on est malheureux du décès d’un parent et que l’on pleure tous les jours, est-ce intime ou public ? En tous cas, la forme est ici importante : il est des choses “intimes” que l’on peut dire avec délicatesse. C’est précisément une charge que nous connaissons tous : réussir à exprimer ce que l’on vit d’une manière qui soit utile à tous.

Pour ce qui est des mauvaises rencontres, l’accompagnement des pratiques en ligne de l’enfant permet de les éviter.

Y-a-t-il des intérêts spécifiques à tenir un blog ? Je le pense. Ils tiennent au travail psychique qui est attaché à l’écriture, au commun et au partagé.

Ecrire en ligne, c’est d’abord écrire. Le travail d’écriture permet de préciser et d’ordonner sa pensée. L’écriture numérique a ceci de particulier qu’elle est ludique. Elle est libre de la culpabilité qui est trop souvent associée à l’écriture. Une erreur ? La touche supprimer corrigera cela. Une faute d’orthographe ? Le dictionnaire intégré fait des suggestions. Se tromper n’est pas grave : cela fait partie du processus d’apprentissage !

L’écriture a un secret : plus on écrit, plus on écrit. L’exercice rend l’écriture de plus en plus facile et de plus en plus enrichissante. Qu’un enfant ait une expérience pleine de plaisir de de l’écriture quelque chose à valoriser. Le premier temps de blog fonctionne comme les premiers dessins. Spontanément, les enfants font des dessins qu’ils donnent à voir avec fierté à leurs parents. Ce mouvement, malheureusement, se perd du fait du formatage que les enfants vivent dans les écoles. Le blog permet de retrouver cette fierté de faire quelque chose et de le donner à voir.

En effet, un des avantages du blog est qu’il supporte tout type de média. Ceux qui sont à l’aise avec l’écriture pourront se laisser aller à partager leurs idées sur le dernier film ou le dernier épisode de la série du moment. Mais pour ceux qui n’ont pas d’inclinaison proustienne, la mise en ligne de vidéo ou de dessins est tout aussi intéressante. Il peut s’agir de vidéo faites à la maison. Beaucoup d’enfants filment les histoires qu’ils réalisent avec leurs jouets et celles ci peuvent être mises en ligne. Il peut s’agir de dessins faits sur du papier. Il peut s’agir, enfin, d’objets directement réalisés sur un support numérique.

L’intérêt du blog peut être partagé en deux grands domaines. C’est un prétexte et un espace social.

Comme prétexte, il est un grand initiateur. Il ordonne le temps – “ça, je le mettrais sur le blog” – il permet de discuter de ce que l’on garde et ce que l’on partage, c’est à dire des limites du self et du social. Il permet aussi de discuter de choses qui débordent largement du blog. La vidéo d’une terrible bataille de playmobils permettra de parler des plans vu au cinéma de telle bataille, de Monte Cassino, ou de la guerre de Troie. Mais on discutera tout aussi bien d’éclairage et de profondeur de champ ou encore de codecs. L’important, c’est d’avoir une discussion qui ouvre de nouvelles perspectives à l’enfant

Comme espace social, il permet de rencontrer d’autres personnes. Cela peut être des personnes partageant les même intérêt, comme dans les communautés de fan. L’adulte accompagnera alors l’enfant dans l’apprentissage de sa vie sociale en ligne :  pourquoi personne ne répond ? est ce important d’être lu ? comment gérer les trolls ?, etc. Il peut aussi être un espace familial étendu. Le blog est alors lieu de rencontre avec d’autres membres de la famille. On y poste se photos de vacances, on y partage ses nouvelles, on y fait connaitre ses coups de cœur. Il devient une extension des mémoires familiales et individuelles.

Quelle plateforme choisir ?

Le design de la plateforme est important. Il faut que l’enfant se sente à l’aise. On le laissera donc choisir cet aspect. L’adulte privilégiera plutôt le voisinage. Ce voisinage peut être celui donné par la publicité mais aussi des communautés de bloggeurs.

L’adulte vérifiera également les possibilités : est il possible de limiter l’accès au blog à quelques personnes ? Peut-on poster à plusieurs ? Existe-t-il des fonctions communautaires ?

Enfin, il veillera aux possibilités d’exportation. S’il faut déménager un jour, est-il possible d’exporter tout le blog dans une autre plateforme.

Tout cela est discuté avec l’enfant. Il ne s’agit pas de lui faire un cours sur l’identité numérique et l’Internet, mais de penser avec lui des questions. Veut-il que tout le monde lise le blog ? Mais qu’est ce que “le monde” pour un enfant de 8 ans ? C’est cette notion qu’il faut qu’il se précise.

Personnellement, je ne pense pas qu’il faille favoriser les interface “kid friendly”. Le blog est un objet d’adulte. Il est difficile à maitriser et c’est cette conquête qui pour l’enfant fait partie du plaisir du blog. Il n’y arrivera pas du premier coup, il abandonnera peut être le blog après l’avoir crée (et auquel cas, il faut le laisser faire) mais dans tous les cas, il se sera rapproché de cette chose impressionnante qui est possédée par les adultes. Il aura grandi.

Je recommanderais donc des plateformes comme Blogger, Posterous, et Tumblr. Toutes les trois permettent de créer un blog en une minute montre en main. Ce qui est long est difficile n’est pas l’acte technique, mais le travail de pensée qui lui est associé. Les trois plate formes posent en effet une question difficile : celle de l’identité.

La question de l’identité en ligne se pose à deux niveaux : celui de l’adresse email et ensuite celui du nom du blog. L’enfant doit avoir son adresse email. Lier l’adresse email d’un parent à celui d’un enfant est en effet une mauvaise idée car cela obligera l’enfant a accéder au mail du parent pour mettre à jour son blog. Ce n’est pas le meilleur signal a envoyer à l’enfant en termes de séparation et d’individuation. Bien entendu, on discutera des règles d’accès et d’utilisation du mail. Ma recommandation est que les parents d’accèdent pas au mail de l’enfant sans qu’il le sache ou en son absence.

 

Et après ?

Les plateforme offrent plusieurs solutions pour publier : formulaire, mail, widget dans le navigateur... Mais la question importante ici est de savoir si l’on accorde à l’enfant la possibilité de publier ce qu’il veut comme il le veut, ou si l’on se donne des règles. Dans ce dernier cas, il faut que l’adulte garde à l’esprit que les règles sont au service du développement de l’enfant, pas à celui du confort de l’adulte. En clair, une fois qu’une règle est prise, on la suit. Ensuite, lorsque la règle est devenue inutile du fait du développement de l’enfant, elle doit être changée – après discussion-négociation avec l’enfant, bien entendu.

Il est souhaitable que le blog reste une activité libre. L’enfant est l’éditeur. Il choisit l’objet du blog, et est libre de le suivre ou pas. L’important n’est pas d’avoir un bon google ranking mais de faire quelque chose de plaisant.