jeudi 30 octobre 2014

Pourquoi certains enfants ont-ils peur des clowns ?


Alors que les clowns sont traditionnellement associés au rire et au plaisir, certains enfants manifestent des signes de frayeur intense à leur vue. En 2008, l'Université de Sheffield a publié  les résultats d’une enquête portant sur 250 enfants ages de 4 à 16 ans montrant que la plupart d’entre eux n’aimaient pas ou avaient peur des clowns. Un des auteurs de l’enquête, le Docteur Curtis, parle même d’une “aversion universelle ”. Deux séries de données permettent de mieux comprendre cette crainte des clowns. La première s’appuie sur le personnage lui-même et la seconde sur des éléments de psychologie du développement.

Comment passe t-on de l’image du clown jovial au rictus grimaçant du clown maléfique ?

Le clown fait partie de la grande famille des amuseurs. Les bouffons, les Harlequin, les saltimbanques et autres tricksters appartiennent à toutes les cultures et toutes les époques. On les retrouve dans les fables et légendes partout dans le monde. Les pharaons de l’Égypte antique, les empereurs chinois et les rois des cours européennes s’amusaient de leurs facéties. Les histoires de Leuk le lièvre ou de Goupil font rire aux larmes les enfants et les adultes. Le Clown est un personnage de la limite, de la frontière, du bord. Il côtoie les cours, il est l’intime des rois, mais il n’est ni noble ni roi. Il est un articulateur

Les déterminants culturels

On peine aujourd'hui à se représenter la popularité que le clown a pu avoir au 19e. Dans la biographie qu’il consacre au clown Joseph Grimaldi Andrew McConnell Stott montre comment l'image du clown s'est peu à peu modifiée. On doit a Joseph Grimaldi le costume du clown Auguste tel qu’on le connait aujourd’hui. Il impose les habits bizarres et colorés ainsi que le port d’une perruque colorée. Son jeu est à l’image de son costume. Il se bat contre lui mème. Il est la dérision même. Andrew Scott montre que la face privée de Grimaldi était à l’opposé de la figure du clown. Rien, ou presque, dans sa vie, n’inspirait le sourire. Enfant, il est maltraité par son père. Il connait des accès de dépression, sa femme meurt en donnant naissance à son fils se suicide à l’âge de 31 ans après avoir été un clown alcoolique. Ses cascades qui amusaient tant le public lui laisseront des douleurs toute sa vie. il meurt ruiné et alcoolique en 1837

Pour Andrew Mc Connell, le clown maléfique a été créé par Charles Dickens à qui il avait été confier le soin d’écrire les mémoires du fameux clown. Dickens décrit un clown qui vit des drames pour chaque succès qu’il connait sur la piste. Ainsi, dans l’esprit du public, la vie de l’artiste devient indissociable de la vie de l’homme. Le remarquable travail d’Andrew Mac Connel n’explique cependant pas pourquoi le clown est devenu violent. Dans sa vie privée comme dans la version qu’en donne Dickens, le clown est un personnage triste,

La violence commence à apparaître avec un autre clown, Jean Gaspard Deburau. Ce clown français n’est pas un Auguste mais un Pierrot. Jean Gaspard Deburau est célèbre dans le Paris de la première moitié du 19e siècle. Il est célébré par de grands auteurs comme Charles Nodier, Théophile Gautier ou Charles Baudelaire. Un jour de 1836, il tue de coups de canne sur les boulevards un enfant qui avait eu le tord de le traiter de “Pierrot”. Jean Gaspard Deburau sera acquitté de toute charge à son procès

John Wayne Cacy fait franchir au clown un nouveau pallier dans l’horreur. John Cacy donne toute satisfaction à son travail. Il est aussi connu pour être Pogo le Clown a des fêtes. Entre 1972 et 1978, il agresse et tue plus de 35 jeunes hommes dans la région de Chicago. Aux policiers qui viennent l’arrêter, il dit comme une évidence, “Vous savez… les clowns peuvent se permettre de tuer. Il est exécuté en 1994. Pogo le Clown a sans aucun doute bien plus contribué à installer dans l’imaginaire collectif l’image du clown violent que Joseph Grimaldi ou Jean Gaspard Deburau

L’image du clown violent est ensuite traitée par la culture populaire. La liste de ces clowns serait longue à établir. On se souvient de Poltergeist dans laquelle une poupée clown devient vivante et tente d’attirer un petit garçon sous le lit. Le terrible Gripe-sous du roman Ca de Stephen King agresse des enfants. Les clowns nous viennent de l’espace dans Les clowns venus d’ailleurs (1988). Dans Clownhouse, ces fous échappés d’un asile psychiatrique martyrisent une petite ville. Le Joker reprend également la thématique de la folie. Enfin, il est difficile de clore cette petite liste sans parler du dépressif Krusty le clown de la série Les Simpson qui semble très inspiré de Joseph Grimaldi. 

L'image du clown violent est ainsi construit dans l'espace public. Elle est traduite dans différents médias, et c'est à l'occasion de leur rencontre que les enfants apprennent à en avoir peur.



Les déterminants individuels

Si l’horreur est culturellement construite, elle est également individuellement déterminée. L’angoisse qui saisit certains enfants devant un clown plonge ses racines dans les premiers moments de développement de tout être humain.

Les psychologues de l’enfant ont montré l’importance du visage dans le développement de l’enfant. Le psychanalyste Spitz en fait un organisateur précoce de la personnalité. Pour Donald Winnicott, l’enfant s’identifie au visage de sa mère. L’expérience du “still face” montre qu’un bébé de quelques semaines éprouve de la détresse lorsque sa mère lui oppose un visage impassible. Le bébé s’étonne, proteste, se détourne et parfois se déprime un moment. D’une façon générale, les masques nous confrontent a ce type d’expérience. Lorsque nous sommes face à une personne masquée ou maquillée comme un clown, la diversité de ses émotions nous échappe. Nous ne pouvons plus accorder nos émotions et nos pensées au visage de l’interlocuteur ce qui provoque de la perplexité voire de la détresse



Conclusion


Les créatures d’horreur sont des images du travail mené par une culture à un moment de son histoire. Aussi, les clowns maléfiques sont comme des messages. Quelle histoire de nous même nous racontent-ils ?

Les clowns maléfiques nous apprennent tout d’abord que notre manière de réagir devant les difficultés de la vie est en train de changer. La rage et la violence sont en train de remplacer la dépression comme modalité organisée aux difficultés de la vie. Il y a encore une génération, le clown triste était la face cachée du clown. Aujourd'hui, c’est un clown malveillant, extrêmement violent, voire maléfiques, qui remplace l’image de la tristesse. Autrement dit, la dépression comme moment de retour sur soi, certes douloureux, mais permettant une réorganisation de ce qui a été éprouvé, est mis de côté. Cette difficulté collective à passer par des moments dépressifs se traduit par la tendance à la satisfaction immédiate et rageuse des désirs.

Les clowns maléfiques sont porteurs d’un autre enseignement. Ils montrent que ce qui est traditionnellement associé à l’enfance est vu comme quelque chose de potentiellement violent et dangereux. Derrière le clown violent, c’est de l’enfance dont il faut se garder. Cette méfiance vis-à-vis de l’enfance, de ce qu’elle a de désordonné, chaotique est à mon avis à mettre en regard avec le fait que la population occidentale est vieillissante.

jeudi 16 octobre 2014

Les jeux vidéo sont une activité socialisante



Les jeux vidéo sont parfois présentés comme une activité désocialisante. Les adultes ont alors l'image d'un enfant jouant seul, accaparé par sa console ou son ordinateur. Pourtant cette image est loin de ce que les jeux vidéo sont en réalité. 

Les jeux vidéo sont une activité socialisante... tout simplement parce que ce sont des jeux. Pour bien le comprendre, il faut nous allons voir comment le jeu est une activité socialisante, puis nous verrons comment cette socialisation peut se faire au travers d'un jeu vidéo

La socialisation au travers du jeu

Le jeu est un comportement inné. Spontanément, les enfants jouent avec leurs corps, avec les sensations qu’ils peuvent produire et celles qu’ils ressentent. Ce jeu spontané est pris en charge par les adultes en encouragent certaines formes et en découragent d’autres. Le jeu est ainsi civilisateur parce qu’il est une conduite instictuelle modelée par l’environnement en fonctions de normes et de croyances. Pour l’enfant, cette civilisation d’une conduite instinctuelle se fait par le processus d’auto-régulation. Tout ne peut pas être joué. L’enfant acquit au moment de ses jeux des compétences cognitives et sociales. Jouer nécessite de faire la distinction entre la chose et le symbole qui la représente. Le jeu nécessite également d’intérioriser des normes, des rôles et de suivre des comportements adaptés

Le comportement moral - c’est à dire l’obéissance à certaines règles et normes construites socialement - est intériorisé dans le jeu. Les enfants apprennent la justice, l’obéissance à des règles, la nécessité de s’accorder, etc.

La socialisation au travers du jeu vidéo

Le jeu vidéo est l’occasion d’apprentissages sociaux avant, pendant et après les parties. Les apprentissages se font avant les parties parce que les enfants doivent tout d’abord s’accorder sur le jeu auquel ils vont jouer. Vont-ils jouer à Mario Kart ou Rayman Legends ? Les discussions donnent à chacun l’occasion de s’exercer à l’influence sociale. Les enfants prennent conscience du poids qu’ils ont dans les discussions. Pendant les parties, ils apprennent la justice, la nécessité de suivre des règles pour faire quelque chose ensemble. Les jeux vidéo sont également l’occasion de coopérer, de rivaliser et de tricher avec les autres joueurs. Ils permettent le partage et la transmission des connaissance. Les joueurs les moins expérimentés apprennent des plus expérimentés . Enfin, les jeux vidéo donnent souvent l’occasion de discuter de ce qui a été joué. Il y a autour des jeux vidéo toute une culture dont l’intégration est nécessaire pour pouvoir joué convenable. Les enfants apprennent et se transmettent entre eux le vocabulaire technique, les tours de main, les valeurs, les figures héroïques de leurs jeux préférés.

Les joueurs de jeu vidéo s'organisent dans des communautés. Les clans, les guildes, les groupes de jeu apportent des expériences sociales. En ligne, les enfants créent et gèrent des identités qui leur permettent d’avoir des interactions avec d’autres joueurs. Les grades et les surnoms permettent de reconnaitre les contributions individuelles au groupe et l’appartenance à la communauté. Contrairement à ce qui se passe dans les autres jeux, les communautés en ligne peuvent rassembler des joueurs d’ages très différents. Les enfants jouent avec des adultes. Ils peuvent avoir, dans l’espace-temps du jeu, des responsabilités, un pouvoir et une importance plus grande que celle d’un adulte.
Les enfants peuvent construire leurs propres communautés à l’écart des espaces et des communautés proposés par les adultes. Les comportements peuvent y être plus préoccupants aux yeux des adultes, mais les enfants ont besoin de cadres donnés par les adultes pour leurs jeux et d’expérimenter leurs propres cadres en en inventant de nouveau ou en modifiant ceux qui leur sont transmis.


En conclusion
Les jeux vidéo sont des activités socialisantes. Elles permettent aux enfants d'expérimenter des rôles et des statuts, d'être au contact avec l'imaginaire de leur culture, de se construire comme acteur social.



dimanche 12 octobre 2014

Comment choisir un psychothérapeute d'enfant ?

D’une façon générale, notre société est de plus en plus attentive au développement des enfants. Des outils de diagnostic de leurs difficultés et des techniques de traitement ont été mises en place tout au long du 20e siècle. Cependant, lorsqu’il est conseillé à des parents de consulter un professionnel pour leur enfant, ils ont souvent en peine de savoir comment faire. Il leur semble naturel et évident de choisir un pédiatre. Mais pour un psychothérapeute ? Comment faire pour choisir ? Sur quels critères appuyer sa décision ?



Le premier critère est pour moi la capacité d’empathie du thérapeute. La personne qui vous reçoit doit pouvoir vous mettre à l’aise. Parler de son enfant, de l’éducation qu’on lui donne, de ce qu’il représente, des problèmes qu’il pose n’est pas une chose facile. Le faire devant une personne que l’on connait depuis 5 minutes l’est encore davantage. Certains psychothérapeutes reçoivent d’abord les parents puis les parents et l’enfant dans un second temps, mais ce n’est pas une obligation. S’il est plus confortable d’être reçu seul - certains enfants agités ne permettent pas la discussion, par exemple —, dites le psychothérapeute au moment de la prise de rendez-vous. S’il refuse et que cela vous est nécessaire, prenez rendez-vous ailleurs.


La seconde chose a laquelle il faut prêter attention est la manière dont le thérapeute accueille votre enfant. A-t-il prévu des objets pour lui ? L’enfant peut-il dessiner ? Ecrire ? Jouer ? Le thérapeute s’adresse-t-il à lui ? Prend-il le temps de ses présentés ? De lui expliquer son travail ? Tous ces éléments sont essentiels. Les objets mis à disposition de l’enfant signalent que le thérapeute a préparé la venue de l’enfant. Il a pensé à lui avant de faire sa connaissance. Se présenter est également faire une place pour l’enfant.


Le psychothérapeute peut-il restituer ce qu’il a compris du problème de l’enfant ? Dans certains cas, les difficultés de l’enfant ne sont pas comprises immédiatement. Il est parfois difficile de faire un diagnostic d’emblée. Par ailleurs, la priorité du psychothérapeute est d’établir un bon contact avec l’enfant. Il arrive donc que le diagnostic soit fait et donné en cours de psychothérapie. 

Le compte-rendu fait aux parents doit être compréhensible. Le psychothérapeute évitera donc de jargonner enfin, le psychothérapeute doit pouvoir expliquer aux parents et à l’enfant comment il va pouvoir aider. Comment est-ce que le traitement proposé va changer la situation. Combien de temps va-t-il durer ? Certaines thérapies ont une durée limitée - on s’accorde alors sur un nombre donné de séance - tandis que d’autres s’arrêtent lorsque l’enfant, les parents ou le psychothérapeute y mettent fin.

Un tel psychothérapeute ne se trouve pas : il faut le chercher. Les Pages Jaunes sont un bon point de départ. Demandez aussi quelques noms autour de vous. Votre pédiatre ou votre médecin de famille connait peut-être quelqu’un. Pensez aux structures publiques comme les Consultations Médico Psychologiques, les Centres d'Action Medico Psychologiques ou associative comme les Centre Médico Psycho Pédoagogiques de votre quartier

Dans tous les cas, fiez-vous à votre jugement critique. Ce n’est pas parce que quelqu’un vous a été recommandé qu’il faut lui faire une confiance aveugle.