vendredi 28 février 2014

Laissez les enfants vous raconter leurs parties de jeu vidéo


Il est absolument primordial que les enfants puissent raconter à leurs parents leurs parties de jeu vidéo. 

En effet, le grand intérêt des jeux vidéo est que l’on y est absorbé corps et âme. Pendant la partie, le monde se réduit a la fenêtre du jeu. La focalisation est alors extrême : plus rien de compte, si ce n’est le personnage manipulé a l’écran ou les interactions que le jeu nécessite. A ce processus cognitif, il faut ajouter la projection. Il s’agit d’un mécanisme affectif par lequel une personne attribue à un tiers des sentiments ou des pensées qu’elle méconnaît en elle-même. Ce mécanisme est actif dans le jeu. La projection campe les situations et anime les personnages. Elle est présente dans les jeux vidéo puisque le joueur s’implique projectivement dans les personnages du jeu. Il est un immense guerrier comme Kratos ou un lapin crétin, et il l’est totalement. Par la projection, l’enfant mêle des éléments de son monde interne aux éléments proposés par le jeu. La projection est un mouvement centrifuge. La personne nourrit le monde externe de sa subjectivité. Du point de vue de la personne c’est un processus appauvrissant.

Apres avoir passé un bon moment a nourrir les images du jeu vidéo avec sa propre subjectivité, l’enfant a besoin de se restaurer. Cela lui est possible en partageant avec quelqu’un l’expérience qu’il vient de vivre. Pour l’enfant, le fait de parler à un autre n des parties qui viennent d’être jouées lui permet de se réapproprier ce qui a été projeté dans le jeu. C’est pour lui une occasion de reconnaître des éléments de soi, et finalement, de s’apprivoiser soi-même.

mercredi 26 février 2014

Quelques différences entre le jeu et le jeu vidéo


On sait l’importance du jeu chez l’enfant comme chez l’adulte. Pour l’un et l’autre, le jeu donne des occasions d’intégration de la personnalité. Cela est vrai pour les jeux qui comportent une composante de compétition, mais également pour les jeux libres. Dans ces jeux, les personnes se laissent aller à des fantaisies personnelles ce qui permet d’explorer des questions laissées en souffrance par ailleurs.

Les psychologues du développement ont repéré chez l’enfant plusieurs problématiques que le jeu permet de traiter. Il s’agit du lien à l’autre, de la sécurité physique, du pouvoir, de la régulation sociale et du respect ou de l’agression du monde physique. Chaque problématique  renvoit à un couple d’opposés : l’attachement et la séparation, la santé et l’agression physique, la maîtrise et l’impuissance, le respect des règles et la défiance.

On voit avec cette grille  à la fois l’intérêt du jeu vidéo, et les domaines qu’il laisse encore pour l’instant dans l’ombre. De façon évidente, la grande majorité des jeux vidéo permettent de traiter  deux questions : le bien-être physique et le pouvoir. Chaque joueur doit faire attention à sa barre de vie à tel point que l’on peut dire que jouer à un jeu vidéo, c’est d’abord veiller sur sa vie, et parfois, mais plus rarement, sur la vie de l’autre. Dans un jeu vidéo, il s’agit donc à la fois de faire en sorte de veiller sur sa vie, et d’agresser suffisamment l’autre pour qu’il perde la sienne.

Le second domaine traité dans les jeux vidéo est le pouvoir. Que puis-je faire ? est la seconde question que se pose tout joueur de jeu vidéo. Les premiers pas sont des mouvements d’exploration. Le joueur vérifie les axes sur lesquels il peut se déplacer. Il vérifier ensuite ce qu’il peut faite avec ou sur l’environnement. Peut-il ouvrir cette porte ? La casser peut-être ? Peut-il faire des traces sur les murs ? Ces traces sont-elles temporaires ? Durables ? En fonction de son habilité, le joueur éprouve le plaisir de la bonne maitrise de son corps ou l’anxiété liée a l’impuissance. Des angoisses claustrophobiques intenses peuvent être  vécues dans certains jeux lorsque le joueur est immobilisé par un adversaire plus puissant que lui. Par exemple, dans les MMORPG, le personnage joué peut être assommé par un voleur. Il ne peut alors plus bouger, ni utiliser aucun de ses pouvoirs.  Pendant cette période, il est donc hautement vulnérable, ce qui fait vivre, selon les personnes, des émotions de rage, d’impuissance, ou d’angoisse panique

Les jeux vidéo qui permettent de travailler le lien sont rares. Ico est souvent cité, mais il reste une exception. Dans ce jeu, le joueur doit s’échapper d’un château en compagnie de Yorda, jeune fille diaphane au sabir incompréhensible, attaquée régulièrement par des monstres. Le joueur peut saisir la main de Yorda pour l’aider à courir ou escalader un mur. S’il s’éloigne trop de Yorda, elle est immédiatement attaquée.

Un lien comparable se retrouve dans un jeu plus actuel. Dans The Walking Dead, le joueur est accompagné d’une jeune fille dont il se prend petit à petit d’affectif. Au fil du jeu, ses actions et ses décicisons tendent de plus en plus a la protéger.  Pendant la partie, le joueur rencontre d’autres personnes, doit choisir s’il forme avec elles un groupe ou non, et finalement fait des choix qui peuvent avoir des effets immédiat en termes de survie pour lui ou pour les autres

Dans la même veine d’idée, Dayz est un jeu qui met en avant la question de la régulation sociale. Le jeu se passe dans un environnement apocalyptique. Les joueurs ont à décider s’ils tentent de maintenir quelque chose des structures sociales, ou s’ils construisent un ordre nouveau. Tout rencontre avec un autre joueur est porté par la question de la défiance et du respect des règles. Comment l’autre va-t-il se comporter ? Est-il plus fort ? Plus faible ? Seul ou accompagné ? Faut-il lui faire confiance ou s’en méfier ?

Ces questions sont cependant encore rarement traitées. Les jeux vidéo en restent trop souvent à la question du bien-être physique et du pouvoir. Cela tient pour une grande part à leur origine.  En effet, les premiers jeux vidéo étaient des jeux d’arcade dans lesquels la question de la vie et de la maîtrise étaient au centre de l’expérience de jeu. La maîtrise permettait de garder suffisamment de vie et la vie permettait de continuer la partie. Les autres questions – le lien, la régulation sociale, le respect ou l’agression du monde physique étaient au-delà de ce que le jeu d’arcade pouvait traiter. Pour qu’elles puissent être prise en compte par le jeu vidéo, il a fallu que celui-ci se mélange avec un autre type de jeu : le jeu de rôle.Avec ce type de jeu, il devient possible de traiter du lien a l’autre, de la confiance qu’on peut lui faire, ou de la responsabilité que l’on a devant le monde physique.



On touche là une limite du jeu vidéo. Cette limite correspond a la bipartition que l’on fait traditionnellement entre le jeu vidéo comme interaction et le jeu vidéo comme narration. Lorsque le jeu vidéo se présente comme une succession de choses à faire, il met l’accent sur les dimension bien-être physique et pouvoir. Lorsqu'il est davantage du coté de la narration, il permet d’explorer les autres dimensions du jeu que sont le lien, la régulation sociale, ou le rapport avec le monde physique.

mardi 25 février 2014

Les jeux vidéo expliqués aux parents


Je commence l’écriture d’un nouveau livre dont le titre provisoire est Les  jeux vidéo expliqués aux parents. Cela fait maintenant plusieurs années que je parle a des publics différents des jeux vidéo. Je suis assez surpris de retrouver toujours et encore les même questions autour des jeux vidéo et ce que le public soit composé de professionnels ou de parents. Il arrive d’ailleurs assez souvent que les professionnels abordent la question par rapport à  leur situation de parent. 

A mon sens, cela signifie que les jeux vidéo sont encore largement méconnus par le public. La situation est des plus étranges. Alors même que les jeux vidéo sont devenu LE média par excellence, alors qu’ils sont un des loisirs préférés des enfants et des adolescents, alors que les parents dépensent jusqu’à plusieurs centaines d’euros par ans dans les jeux vidéo, ils restent encore les mal connus et les mal aimés de la culture.  
Mon projet est de faire un livre 100% numérique. Cela signifie qu’il sera disponible prioritairement au format numérique. Cela signifie aussi que vous pourrez l’acheter ou le télécharger librement et gratuitement en torrent. Cela signifie enfin que vous pourrez le trouver au format papier si un éditeur veut en faire une traduction. La priorité donnée au numérique signifie aussi que l’avancée du projet sera documentée dans ce blog. Je publierai ici des articles en relation avec le travail d’écriture.  Enfin, cela signifie que le livre sera aussi en lien avec les préoccupations qui sont les vôtres.

J’ai en effet souvent constaté que l’expertise que j’ai des jeux vidéo me fait manquer des questions qui sont pourtant importantes pour le public. Ce qui est pour moi important à explorer et à connaitre à propos des jeux vidéo  n’est pas nécessairement ce qui intéresse ou préoccupe les parents. Et ce que je considère comme acquis ne l’est pas toujours pour les parents. 

J’ai déjà en tête une quinzaine de chapitres. Je les ai composés à partir des questions qui me sont habituellement posées lors de mes conférences. Mais je veux être sûr de ne rien manquer. Je souhaite que le livre fasse de la manière la plus complète possible le tour des jeux vidéo. Je ne veux pas écrire un livre académique sur les jeux vidéo. Je ne veux pas faire une sociologie des jeux vidéo, ou un manuel de psychologie du jeu vidéo. Je veux écrire un livre qui soit immédiatement utile a des parents qui ont des gamers à la maison.

Quelles sont les questions que vous aimeriez-voir traiter dans ce livre ? Quelles sont les questions que vous vous posez comme parents à propos des jeux vidéo ? Qu'est-ce qui est a votre avis insuffisamment connu au sujet des jeux vidéo ? Faites-moi connaitre vos questions en commentaire et je les ajouterai dans le livre Les jeux vidéo expliqués aux parents.

PS : il y a un hastag : LJVEP


mardi 11 février 2014

Que se passe-t-il lorsque les enfants regardent des images violentes ?


Le premier effet des images violentes sur les enfants est le choc. L’enfant est submergé par des émotions qui dépassent ses capacités actuelles. Parfois il n’arrive pas à identifier le malaise dans lequel il se trouve. D’autres enfants sont pris par un kaleidoscope d’émotions, d’images et de pensée qui les plonge dans le chaos. Il s’agit donc d’une expérience traumatique qui ébranle profondément l’enfant. 

Trois raisons de l’effet traumatique des images violentes
Les images violentes sont traumatiques pour plusieurs raisons. La première est tout simplement une question de quantité. Les images, et les histoires qu’elles traduisent, sont trop fortes pour l’enfant. Elle dépassent trop largement ses capacités de symbolisation.

Les images violentes sont traumatiques parce qu’elles sont faites pour les adultes. Il y a beaucoup de situations violentes dans les contes de fées et les mythes. Mais ces situations ne font pas violence à l’enfant car elles lui donnent des représentations de ses craintes : la peur d’être abandonné, dévoré, de perdre l’affection des siens, d’être surclassé sans aide… font partie du quotidien des enfants. Les images violentes sont des traduction directes d’angoisses qui peuvent être comprises et transformées par des adultes. Pour des enfants, elle réalisent une confusion des langues, c’est-à-dire l’imposition par des adultes d’un langage inélaborable pour lui

Enfin, les images violentes sont traumatiques pour l’enfant parce qu’elles mettent à mal sa capacité à s’illusionner. Les enfants ont besoin de passer par une phase d’illusion dans laquelle ils vivent un sentiment d’omnipotence en toute sécurité. Dans ces moments, ils vivent une expérience de controle de l’environnement. Ces expériences sont décisives dans le développement de l’enfant, car elles conditionnent à la mise en place de la possibilité du jeu

Les solutions au traumatisme des images violentes
Les enfants ont à leur disposition plusieurs solutions pour traiter le problème posé par les images violentes. La première est l’identification à l’agresseur. L’enfant fait subir à un autre ce qu’il a vu à l’écran. Il peut s’agir d’un compagnon de jeu, d’une poupée, d’un animal ou d’un parent.Cette identification à l’agresseur cache souvent une contre-identification secrète à l’agressé. 

La seconde issue aux images violentes est l’identification à l’agressé. L’enfant trouve dans cette identification une légitimation a ses fantasmes dépressifs et à son masochisme. Dans cette identification, s’il est battu ou puni, c’est d’abord parce qu’il l’a mérité. En d’autres termes, son monde interne colore ses perceptions.

La troisième issue est l’identification héroique. L’enfant s’imagine en héros venant au secours des victimes. Il fait en lui une place pour le Héros, pour celui qui se dresse contre les injustice et qui met la violence au service d’un idéal.

La quatrième issue est l’identification au spectateur. L’enfant éloigne les émotions violentes et contrastées suscitées par les images violentes. Il utilise sa pensée pour envelopper l’image et en faire un objet esthétique. Il isole méticuleusement la perception des images et les émotions. Par exemple, il va prêter beaucoup d’attention à la manière dont les images sont construites, il va commenter les effets spéciaux. S’il ne critique pas les images, il va les esthétiser en s’émerveillant de leur rendu. Dans les deux cas, le but est le même : traiter l’impact émotionnel des images comme “non-arrivé”

Reprenons les choses autrement. Face à des images qui lui font violence parce qu’elle dépassent ses capacités de compréhension ou d’intégration, l’enfant ressent l’urgence de transformer la perception de ces images. Pour ce faire, il peut être amené a traiter la perception traumatique en la traduisant en actes, en émotions, ou en paroles. Dans le premier cas, l’enfant s’agite, ou refait dans un jeu les images qu’il vient de voir. Dans le second cas, l’enfant fabrique des images avec lesquelles il va tenter de trouver une solution aux problèmes que lui ont posé les images violentes. Ces images peuvent prendre la forme des cauchemars. L’enfant peut également utiliser des rêveries éveillées pendants lesquelles il repense aux images violentes. Enfant, dans le troisième cas, l’enfant parle à un proche des images qui lui font problème. En fonction de sa personnalité, et des habitudes familiales, il va tenter de traduire dans un autre système ce qui fait pour lui problème. Il s’agit d’un travail de symbolisation qui se fait selon l'une des trois modalités de symbolisation définies par Serge Tisseron : la symbolisation sensori-motrice, émotionnelle et imagée et verbale.

Il est bien évidement souhaitable de ne pas exposer les enfants a des images qui leur font violence. Mais lorsque cela arrive, il ne faut pas perturber le travail de symbolisation de l’enfant mais l’accompagner. Trop souvent, les parents prennent l’excitation des enfants pour un problème alors qu’il est en train de chercher une solution. Ainsi, lorsqu’un enfant s’agite devant un poste de télévision ou un jeu vidéo, devient soudainement silencieux, ou ne cesse de parler, il vaut mieux éviter d’obtenir une quelconque discipline mais prendre le temps avec lui d’explorer ce qui lui pose problème et l’aider à le résoudre.