Sans doute avez-vous remarqué ? Il n'est plus possible d'éternuer dans un espace public sans s'attirer les regards suspicieux et réprobateur des autres. L'ombre de H1N1 alias grippe porcine alias grippe A plane sur tout signe respiratoire. Un toussotement, un éternuement et vous voila suspect et bien rapidement coupable. On sent a quel point la grande pandémie de grippe espagnole de 1919 pèse sur les imaginaires.
Michel Foucault à montré dans Surveiller et Punir comment des maladies ont servi de cadrage a la mise en place des systèmes disciplinaires. Ceux-ci sont profondément insérés dans nos sociétés et on les retrouve jusque dans nos architectures avec la division des espaces de soins en pavillons. Devant les deux grandes maladies du Moyen Age, la lèpre et la peste, les autorités ont mis en place des disciplines. Celles ci visaient à répartir les individus dans l'espace et a localiser chaque individu. Les deux principes correspondant sont la clôture et le quadrillage.
Les grandes maladies du Moyen-Age, la grippe et la peste, ont conduit à la mise en place de dispositifs très différents. A la peste a correspondu l'ordre. Lorsque la peste se déclarait dans une ville, celle ci était isolée et tout foyer infecté devait se déclarer. Au désordre de la peste a correspondu la mise en place d'un ordre médical et politique strict. Les dispositifs répondant a la lèpre ont été différents. Les lépreux étaient enfermés en dehors de la ville. Ces dispositifs sanitaires portent des rêves politiques. A l'exil des lépreux enfermés en dehors de la communauté humaine correspond le rêve de la communauté pure. Au quadrillage de la peste correspond le rêve de d'une communauté disciplinée. Rien ne doit échapper au regard du Prince en temps de peste : des registres sont tenus, les familles sont comptées, les vivants et les morts inscrits sur des registres...
Ainsi, à la peste correspond l'ordre, le désir de différenciation le plus fin possible : à chacun sa place à chacun sa maladie, à chacun son bien, à chacun sa mort, le tout par l'effet d'un pouvoir omniprésent et omniscient. La discipline nécessite la multiplication des surveillances, l'intensification et la ramification des pouvoirs jusque dans les foyers. La peste nécessite pour le Prince un "Grand dressement". La peste appelle le rêve utopique d'une ville parfaitement gouvernée. Elle est au fond de tous les schéma disciplinaires. La lèpre appelé le rejet, l'exil, la clôture, le retour au magma, à l'indifférencié. Elle nécessite un "Grand renfermement". Les disciplines de la lèpre sont au fond de tous les schémas d'exclusion
Même si ces projets n'ont jamais été parfaitement et totalement mis en place, ils en informent pas moins profondément nos sociétés et nos psychologie. Les schémas disciplinaires n'ont pas fait que modifier l'architecture de nos bâtiments publics ; ils organisent également nos modes de pensée et forment de nouvelles individualités. Le pouvoir a eu de moins en moins à faire usage de sa force puisque les individus l'intériorisaient de plus en plus.
C'est là sans doute un "progrès" de la culture : la violence des pouvoirs est devenue silencieuse. Avant, elle se donnait a voir sur la place de Grève. Elle se voulait exemplaire. Aujourd'hui, nous portons en nous nos Damien, nos places de Grève et nos bourreaux. Hier, le crime était le régicide. Aujourd’hui, il est d’être malade. Je ne suis pas sûr que cela soit un progrès.
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