Les réseaux sociaux ont bouleversé les paysages numériques. Ils les ont rendu moins virtuels, et plus réels. L’internet n’est plus une destination lointaine, il est a portée de doigts, dans nos téléphones et sur nos tablettes.
Ils permettent d’agréger des foules ou des communautés à partir d’un dénominateur commun. Dans la vie de tous les jours, ils rendent des services que l’on ne peut pas trouver ailleurs. Ils sont des lieux de détente et des espaces de recherche, quoi que cette recherche puisse concerner. Les réseaux sociaux ont transformé nos vies en d’immenses silos d’information.
Sur Facebook, Twitter, Flickr, Youtube, Foursquare, des vies s’écrivent, en mots, en images, en films. en localisation. Les les de voeux sur Amazon disent les gouts de lecture, les objets que l’on aime, les films que l’on regarde. Les projets et les destinations de voyage se lisent sur Tripatini.La facilité avec laquelle les contenus peuvent être mis en ligne et partagé participe grandement du succès des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont en retour modifié la perception que nous avons du cyberespace. Auparavant, il était une destination lointaine réservée à quelques aventuriers excentriques. Aujourd’hui, il est plutôt un entourage de nos vies professionnelles et personnelles.
Pour les travailleurs sociaux, cela pose sinon des difficultés, du moins des questions. Une partie de la formation et du travail des travailleurs sociaux consiste à différencier les questions privées et les questions professionnelles. Un éducateur, un psychologue, ou un assistant social ne fait pas part de ses positions politiques, religieuses ou de ses préférences sexuelles. Il prend garde à ce que ses positions n’interviennent pas dans son travail. Cette réserve lui permet de se mettre au service des personnes avec lesquelles il travaille. Le but de cette réserve est de ne pas gêner le client du fait de ses opinions ou de ses goûts personnels.
Pourtant, les opinions politiques, religieuses et les préférence sexuelles de chacun peuvent être reconstruites à partir d’un profil Facebook. Même si la personne renseigne pas les champs de son profil, les personnes, les favoris et les pages avec lesquelles elle est liées en disent beaucoup.
C’est précisément la différence entre ce que l’on garde par devers soi au travail et ce que l’on partage avec d’autres dans sa vie privée que les réseaux sociaux ont tendance à diminuer, voire même à effacer complètement. Les réseaux sociaux posent un problème nouveau aux travailleurs sociaux et à leurs institutions professionnelles. Pour la première fois, le cadre de travail sur lequel les travailleurs sociaux s’accordent est remis en cause par le mouvement de société.
Comment faire pour maintenir ces cadres de travail tout en restant dans le mouvement du monde. Il ne s’agit pas en effet de renoncer à la réserve dont les travailleurs doivent faire preuve. Il ne s’agit pas non plus de renoncer au cyberespace. Il s’agit de travailler avec cette nouvelle donne. Il s’agit d’être présent sur le réseau d’une manière qui ne fasse pas obstacle au travail.
La voie du Ninja.
Une première solution consiste à disparaitre comme personne privée du réseau. Certains travailleurs sociaux ne sont pas présents sur Facebook pour cette raison. D’autres utilisent Facebook avec des profils fermés. Cela nécessite cependant une connaissance suffisante du réseau social et une attention soutenu aux modification des conditions d’utilisation. L’expérience montre que Facebook ouvre de plus en plus les profils au monde extérieur et il n’y a pas de raison que cette tendance cesse.
L’utilisation d’un pseudonyme peut rendre des services. Dans ce cas, la personne utilisera un ou plusieurs pseudonymes sur l’Internet Mais il faut se rappeler que le pseudonymat sur Internet est toujours relatif. L’identité en ligne a plusieurs composantes (le nom, l’email, l’adresse I.P., les avatars, les personnes et objets liés) et en faisant des recoupements il est possible de faire correspondre différentes identités en ligne. .
Il est possible d’utiliser un pseudo. Mais le pseudonymat sur Internet n’est que relatif. Par ailleurs, le pseudonyme étant choisi, il est porteur d'informations personnelles. Cela est tout autant vrai pour les avatars et les adresses emails. Découvrir que son psychiatre s’appelle Casimir sur un forum peut être attendrissant ou effrayant, ou tout ce que l’on voudra, mais il est évident que cela jouera un rôle dans la relation psychothérapeutique
L’utilisation de pseudonymes pose un autre problème. Il raréfie la présence des travailleurs sociaux et rend difficile le repérage des professionnels. Sur Internet, tout le monde peut être un travailleur social. Si en France les titres de psychologue et de psychothérapeute sont cadrés par la loi, tout le monde peut se dire coach, éducateur, ou assistant social. On en arrive à un traitement wikipedien de difficultés personnelles que certains apportent en ligne : les avis de tous se superposent et se valent
Chevaucher le dragon.
L’autre solution est de chevaucher le dragon. Dans cette perspective, les réseaux sociaux seront utilisés d’une manière professionnelle.
Le plus simple est de faire comme nous avons fait avec le téléphone. Nous avons tous un numéro professionnel et un numéro personnel. La convention veut que les clients nous joignent sur notre numéro de téléphone professionnel. Il arrive qu’il y ait quelques débordements ou confusions, mais ce moyen de communication est tellement intégré dans les pratiques des travailleurs sociaux que ces problèmes sont à la fois vite repérés et traités.
De la même façon, il est possible d’avoir en ligne une identité professionnelle et une identité personnelle. L’identité professionnelle lie la personne à une institution. Par exemple, son adresse email pointera sur le nom de domaine de l’institution dans laquelle il travaille. Le nom de domaine cadre le type d’échanges que l’on va avoir. La lecture de d’une adresse email donne toujours au moins deux types de renseignements. Le premier est le nom par lequel la personne souhaite être appellée. Le second type de renseignement est donné par son domaine de rattachement.
On évitera alors les adresses fantaisistes et l’on optera pour un simple état-civil. Le prénom et le nom sont amplement suffisants puisque c’est à M. ou Mme Untel que les clients s’adressent. Il est possible d’adjoindre la profession, par exemple jean.untel-psychologue@ime.villex.fr . Idéalement, le nom de domaine renseigne sur l’institution de rattachement. Ici, on comprend que jean.untel travaille comme psychologue dans l’Institut Educatif de la ville x. Cela signifie que l’institution garantit que la personne est bien psychologue. Cela signifie aussi que lorsque la personne utilise cette adresse email, elle engage le lien qu’elle a avec son institution. Signer une pétition avec cette adresse, par exemple, n’est pas recommandé puisqu’elle engage à la fois l’individu Jean Untel et son institution l’Institut Médico Educatif de la ville X.
Il revient ici aux institutions de faire le travail nécessaire pour donner à leurs employés la possibilité d’une présence professionnelle en ligne. Cela passe par des comptes email pour chaque employés, mais aussi des formulaires en ligne qui permettent à tout internaute d’entrer en contact avec un travailleur social. Rencontrer un assistant social et ne pas pouvoir lui écrire un mail est une expérience qui devient de plus en plus étrange.
Il est possible de faire plus encore que de se donner une carte de visite. L’intérêt du Web 2.0 et des réseaux sociaux est de permettre de partager dynamiquement des informations. L’Internet est devenu tellement grand qu’il peut être difficile devant une information de savoir si elle est pertinente ou pas.
Par exemple, un Educateur Jeune Enfant pourra utiliser les listes de lecture d’Amazon pour signaler des livres intéressants sur le sevrage ou la grossesse. Une filmographie établie sur Gomiso pourra traiter de la situation des femmes tandis que les favoris de Foursquare indiqueront dans la ville les lieux utiles à une femme seule avec un enfant.
Etre sur le réseau professionnellement comporte plus d’avantages que d’inconvénients. Les bénéfices vont à la fois au réseau, c’est à dire pour une part aux clients, et aux professionnels. D’un coté, l’information disponible sur les sujets traités par les travailleurs sociaux sur l’Internet est de meilleure qualité puisqu’elle est cultivée par des professionnels. De l’autre, les travailleurs sociaux constitue une identité en ligne qui protège leur vie privée.
Crédit photo : Michel Ange, La tentation d’Adam et Eve
D'accord dans le fait qu'un travailleur social ne doit pas étaler sa position politique, ses préférences sexuelles - et toutes autres données pouvant potentiellement gêner la relation qu'il a avec les personnes dont il s'occupe - mais je ne vois pas pour autant pourquoi se masquer, se cacher, se dépersonnaliser.
RépondreSupprimerDe toute manière, Facebook ou pas si Untel veut vraiment savoir si son psy est hétéro ou homo, il finira bien par le savoir.