Lorsque Quake II est sorti, le cyberespace était encore une destination extraordinaire. On y accédait au prix de gestes techniques ésotériques et d’une facture téléphonique élevée. WWW signifiait alors Wait Wait Wait et un taux de téléchargement de 8 Ko/s était si exceptionnel qu’on en parlait pendant des semaines.
Quake II a été une révolution. Il sortait le gamedom des corridors carrés dans lesquels il était enfermé depuis Doom. Les graphismes étaient superbes, pour peu que vous bénéficiez d’une carte graphique 3DFX. Et beaucoup ont acheté la précieuse carte précisément pour pouvoir joueur à Quake II. Il dotait le joueur d’armes exceptionnelles et l’écosystème était rempli d’une vie monstrueuse à souhait. On se surprenait à s’arrêter de jouer un moment pour voir les monstres se quereller, se battre et finalement s’entre-tuer.
Et puis il y avait le multijoueur. Dans des cartes rapides et nerveuses, des équipes s’affrontaient autour de la capture d’un drapeau. Parfois, il s’agissait simplement de survivre dans une mêlée terrible dans laquelle chacun était l’ennemi de tout le monde. Des joueurs inventèrent le rocket jumping, tactique aussi belle que dévastatrice qui consiste à utiliser son lance roquette pour faire des sauts immenses.
Sur un des serveurs de Gamespy, un joueur faisait des merveilles. Il était toujours attendu avec impatience et sa connexion était accueillie avec des cris de joie. Puis le groupe se disputait pour savoir qui allait jouer avec lui : jouer contre lui signifiait perdre à coup sur. Alors que tous les joueurs se précipitaient pour prendre les armes et les armures les plus puissantes, il se promenait avec un simple rail gun. Un rail gun ! L’arme la plus inefficace de Quake II. Elle est généralement inutile. Mais entre des mains experte, elle était redoutable. Et Fumph était un expert. Il ne tirait qu’une seule fois. Mais qui se soucie de tirer plusieurs fois lorsque l’on est un esthète du head shot ?
Fumph n’était seulement un excellent joueur. C’était également quelqu’un soucieux de la belle orthographe. Au cours de quelques échanges mail que j’ai eu avec lui, je me suis aperçu qu’il maitrisait aussi bien le rail gun que l’accord du participe passé. Il prenait grand soin à tous les accorder correctement. J’ai fini par lui poser la question.
- Tu es une fille ?
- Oui, mais il ne faut pas le dire, parce que sinon plus personne ne voudra jouer avec moi.
Pour le joueur de base, être tué avec un rail gun est humiliant. Que l’arme soit tenue par une main féminine est pour beaucoup insupportable. Il semble que ce soit malheureusement encore le cas, puisque la communauté des gameurs a créé une ligue féminine qui évite tout affrontement entre les sexes.
Encore un des mystères de l’émancipation féminine...
RépondreSupprimerDécidément, elles sont partout....
;)