samedi 20 avril 2013

John Rambo n’a pas sa place dans les champs de batailles numériques

images[1]Les média mettent régulièrement l’accent sur les jeux vidéo de guerre en les associant aux actes les plus violents et les plus terribles qui soient. Cela provoque chez les parents une anxiété quand aux effets des jeux vidéo sur leurs enfants. Ce qu’ils aperçoivent du coin de l’œil dans leurs salons n’est pas pour les rassurer : des hommes puissamment armés courent sur des champs de bataille et se tuent avec tous les moyens possibles et imaginables. Les massacres à l’écran provoquent parfois des réactions de rage et de désarroi chez l’enfant, et les parents peuvent arriver à conclure que ces jeux vidéo ont nécessairement des effets négatifs sur les joueurs.

Pourtant, les choses sont un peu plus complexes. Dans les FPS (“First Person Shooter), les joueurs peuvent réaliser plusieurs types d’actions. Il est bien évidement possible d’éliminer des adversaires, puisque c’est le thème du jeu. Mais il est également possible de soutenir ses partenaires. Dans le jeu, le soutien peut prendre plusieurs formes :

  • soigner blessé un partenaire avec un “médikit”
  • donner des armes ou des munitions à un partenaire
  • marquer un point sur le champ de batailler pour coordonner l’assaut
  • aider un partenaire à tuer un ennemi

A partir de données recueillies sur 26.000 joueurs et 928.000 sessions de jeu, des chercheurs ont montré que les joueurs les plus collaboratifs sont aussi ceux qui avaient les meilleurs scores dans le jeu. Ce sont les joueurs qui sont les moins souvent en difficulté dans le jeu. Ils ont tendance à mourir moins souvent et à avoir besoin de moins de soin que les joueurs non-coopératifs. Enfin, ils ont tendance à gagner plus souvent leurs matchs que les autres.

Il y a bien entendu toujours des joueurs qui pensent pensent pouvoir remplacer toute une armée. Ils incarnent alors parfaitement le slogan que l’armée américaine  a utilisé jusqu’en 2006– “An army of one”. Mais ils sont dans le jeu vidéo d’une très faible efficacité, et ils sont même une gêne pour leurs partenaires. John Rambo n’a pas sa place dans les champs de bataille numériques.

Ainsi, penser que ces jeux sont investis parce qu’ils soutiennent l’agressivité et un imaginaire de toute puissance n’est qu’une toute petite partie du tableau. Ces positions existent, mais lorsqu’elles sont surinvesties par le joueur, elles conduisent à de faibles performances. Le plaisir de ces jeux est davantage dans la réalisation d’une stratégie d’équipe et dans le plaisir de vivre une expérience cohésive

Sauvik Das, Thomas Zimmermann, Nachiappan Nagappan, Bruce Phillips, Chuck Harrison. Revival Actions in a Shooter Game. In Proceedings of the CHI Workshop on Designing and Evaluating Sociability in Online Video Games (DESVIG 2013 (CHI Workshop)), Paris, France, April 2013.

vendredi 22 mars 2013

Karl, reste dans la maison ! Analyse d’un phénomène Internet

Karl Stay in the house

Karl, stay in the house!” est un de ces phénomènes créés par et dans l’Internet. La phrase est tirée de la série télévisée et de la bande-dessinée The Walking Dead.

Un phénomène Internet est un contenu populaire. Il peut s’agir d’une vidéo, d’une image, d’un mot tiré d’un jeu vidéo, d’une bande-dessinée ou d’une série télévisée. Le média est partagé de proche en proche sur les forums et les réseaux sociaux, puis décliné dans plusieurs

Le phénomène “Karl, stay in the house!”

Rick Grimes est officier de police. Blessé au cours d’une opération, il se réveille quelques jours plus tard dans un hôpital  dévasté pour constater que le monde a été dévasté par des zombies. Il part à la recherche de son fils et de sa femme qu’il finit par retrouver. C’est à ce moment que la fameuse phrase “Karl, stay in the house” apparait.

Elle est prononcée par Lori, la mère de Karl, ou par son père. Elle est annonciatrice d’un danger imminent. Mais de façon répétitive, Karl se retrouve dans un danger encore plus grand que celui que auquel son père ou sa mère souhaitaient le soustraire.

Comment comprendre que cette phrase soit particulièrement sélectionnée et partagée par tant de personnes ?  “Karl, stay in the house” entre en résonnance avec l’inconscient des aficionados de la série, puis avec des publics de plus en plus large parce que scène condense plusieurs niveaux

 

L’épreuve de la séparation

Karl, stay in the house” annonce un moment dramatique. La phrase annonce d’abord une séparation, puisque l’enfant doit rester dans la maison tandis que les parents vont au-dehors combattre le danger qui approche. Nous savons que la séparation est au cours du développement de l’enfant une épreuve qui peut être structurante ou traumatique. La façon dont les séparations sont vécues et construites par l’enfant marquent profondément sa psychologie et son avenir d’homme. Cet élément est si important qu’on le retrouve dans mains mythes et contes populaires, comme dans Le loup et les sept chevreaux. The walking dead donne en donne une version  grimaçante.

L’annonce d’un malheur

“Karl, stay in the house” annonce un malheur imminent. Puisqu’il s’agit de walkers, c’est à dire de zombies, il est assez facile de comprendre que ce qui marche vers l’enfant et ses parents est la mort elle même. De quelle morts s’agit-il ? Il peut s’agir d’ancêtres dont des droits ont été insuffisamment reconnus, comme dans les croyances populaires. Le mort est alors un revenant ou un fantôme, c’est à dire une figuration plus ou moins reconnaissable d’éléments de l’histoire familiale. Il peut aussi s’agir des désirs inconscients de mort et d’agression qui circulent dans toutes les familles

La maison-mère

De façon très banale, les maisons sont des représentants de la mère comme maison première. Même les maisons délabrées et sales de The Walking Dead sont des endroits plus sûrs que les grands espaces ouverts parcourus par des walkers. “Karl, stay in the house” est alors l’ordre donné à l’enfant de retourner dans la matrice maternelle. Le “Stay in the house” s’entend alors moins comme un désir de protection que comme un désir non-naissance.  En effet, elle est prononcée à partir du moment où les parents se retrouvent. La phrase souligne alors le désir pour les adultes que leurs retrouvailles ne portent pas fruit : que l’enfant reste dans la matrice maternelle  ! Pour Karl,“Rester dans la maison”, c’est rester dans la mère, c’est ne jamais prendre le risque de naitre. On comprend qu’il n’obéisse jamais à cet ordre.

 

 

Ce que ce “Karl, reste dans la maison!” figure, c’est le fantasme “On bat un enfant” (Freud, 1919). En effet, Karl se retrouve souvent loin de la protection parentale. “Where’s Karl?” (Ou est Karl ?) est une autre phrase que les parents disent souvent. Et bien évidement, Karl est alors dans une situation plus que problématique ! Karl est alors le représentant de l’enfant-aimé-mais-insuffisamment-protégé par des parents trop pris par leurs catastrophes personnelles et conjugales

Citer la phrase, c’est reconnaitre qu’elle entre en résonnance avec sa vie affective. C’est remettre au travail ce qui a été touché par la situation. Celle-ci permet de s’identifier à l’enfant, au couple des parents, ou à un des deux parents. Nous pouvons ainsi explorer successivement les poles actifs et passifs de la relation parent-enfant en étant l’enfant abandonné/battu/tué ou le parent abandonnant/maltraitant/meurtrier/protecteur

jeudi 21 mars 2013

Les réseaux sociaux, l’empathie et les adolescents

Facebook Like Thumb

Selon un sondage effectué pour l’ONG 30 Hour Famine, 55% des adolescents questionnés affirment que des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter les a rendu plus conscients des besoins des autres. La même question avait été posée en 2011, et seulement 44 pourcent des adolescents s’étaient lors sentis concernés.  Pour Regina Corson, la Vice Présidente de l’association, cette augmentation est un signe des temps. Mais cela signe-t-il une augmentation de l’empathie ? Fréquenter les réseaux sociaux peut-il rendre plus empathique ? 

Les trois étages de l’empathie

L’empathie est un phénomène complexe qui plonge ses racines dans jusque dans le secret de nos cellules. En effet, elle est pour une part innée. Mais comme pour tout ce qui concerne l’homme, cette part innée est largement modifiée par nos expériences et par notre capacité à refuser consciemment et inconsciemment de prendre en charge des émotions et des pensée.

Dans le travail qu’il a consacré à l’empathie, Serge Tisseron distingue trois niveaux différents. Le premier est constitué par l’identification. La personne comprend le point de vue de l’autre et ce qu’elle ressent. Deux points sont ici important. Le premier est que l’identification ne nécessite pas de reconnaitre à l’autre le statut d’être humain. Il est possible d’éprouve de l’empathie pour un animal, un végétal, et même pour un objet. Le second est que cette empathie est émotionnelle et cognitive. Vers 4 ans et demi, l’enfant commence à pouvoir se faire des représentions de ce que pense l’autre. Il construit une “théorie de l’esprit”

Le second étage de l’empathie est constitué par la reconnaissance mutuelle. Non seulement la personne s’identifie à un autre, mais elle accorde à l’autre la possibilité de s’identifier à elle, de la comprendre et de ressentir ce qu’elle ressent.

Enfin, le dernier étage correspond à ce que Serge Tisseron appelle l’empathie extimisante. Elle consiste à accepter la possibilité de reconnaitre des parties ignorées de soi même à l’intérieur d’une relation d’empathie réciproque.

L’empathie et les mondes en ligne.

Au vu de ce qui précède, les mondes en ligne posent pour l’empathie un double défi. L’empathie ne commence véritablement qu’avec le face à face; elle suppose le contact avec de l’épiphanie du visage (Lévinas). Elle est fille de la co-présence. Le régime différent de l’absence et de la présence qui existe en ligne rend donc difficile l’établissement d’un lien empathique réciproque. L’autre n’est pas tout à fait là. Il est là dans une image, ou dans des message, bref, par des traces. La relation à l’autre est donc médiatisée.

Cela n’empêche pas totalement l’empathie puisque nous avons vus que celle ci pouvait être unilatérale. Le problème qui se pose alors  n’est plus l’établissement du lien, mais la qualité de celui-ci. Il est en effet possible de comprendre l’autre pour le mieux manipuler – c’est ce que font les pervers – ou pour le réduire à un objet – c’est ce qui se passe dans la pitié.

 

Ainsi, c’est une erreur que de considérer que les réseaux sociaux rendent les adolescents plus empathiques comme on a pu le lire ici ou là. Les réseaux sociaux mettent plus facilement les adolescents au contact avec d’autres personnes, ou avec d’autres réalités, dont certaines peuvent appeler l’empathie. Mais ce que chaque adolescent va faire de cette situation reste variable. Certains vont se sentir concernés (empathie unilatérale) tandis que d’autres vont se fermer.

mardi 19 mars 2013

Quatre bonnes façons de répondre aux attaques sexistes en ligne

Emergency Stop Button 2
En ces jours ou les conduites sexistes de quelques uns sont discutées, il est bon de rappeler que les mondes numériques disposent de commandes qui n’existent pas IRL et qui sont d’une grande efficacité :

/ban
/kick
/mute
/report

mardi 5 février 2013

Il y a un couac dans la famille Duck

Les Duck ne sont pas à proprement parler des super-héros. Mais l’analyse de leur histoire permet d’illustrer le point qui me tient à cœur à propos des super-héros. Les comics et les bande-dessinées en général donnent à leurs lecteurs des occasions de penser des situations psychologiques problématique ou douloureuses. Les comics  sont centrés sur la problématique de l’adolescent. L’histoire des Duck est centrée sur la problématique de la transmission familiale.

La saga des Picsou pose pour tout enfant une série d’énigmes passionnantes. Elles sont un peu différentes des questions que les enfants se posent habituellement car il ne s’agit pas du classique « d’où viennent les enfants » mais « ou sont partis les parents ? ». Riri, Fifi et Loulou sont élevés par leur oncle Donald sans que l’on sache ce que leurs parents sont devenus. Les parents de Donald sont également invisibles, et en dehors de ses trois neveux, la seule famille qu’on lui connait est un vieil oncle aussi richissime qu’avare et irascible. D’ou vient que dans cette famille, les seules figures paternelles soient des oncles ? Ou sont passées les figures maternelles ? D’où vient la fabuleuse fortune d’Oncle Picsou ?

Lorsque l’on examine d’un peu plus près la famille de Balthasar Picsou, on va de surprise en surprise. Balthasar est richissime, mais il est incapable de faire profiter à sa famille un peu de sa richesse. Il est même incapable d’en profiter pour lui même. Il est extrêmement irascible et est capable de poursuivre une personne de son ressentiment pendant des années voire des décennies. La seule chose qui lui apporte un peu de satisfaction sont les bains qu’il prend dans ses piscines débordant de pièces et de billets. Enfin, il tombe dans une profonde dépression dès lors qu’on lui vole son sou fétiche.

Donald est un incapable qui échoue avec une grande régularité tout ce qu’il entreprend. Il vivote aux crochets de son oncle Balthasar Picsou dont il est l’obligé. Une vieille dette les lient et Balthasar profite largement de cette dépendance en maltraitant son neveu. Donald a une petite amie, mais est incapable de construire une vie de couple avec elle. Son caractère irascible et son inconstance lassent régulièrement la belle Daisy. Par ailleurs, il est trop occupé à vivre d’improbables aventures au cours desquelles il met invariablement en danger les enfants qu’il est supposé protéger ou ce qu’il est sensé entreprendre. Ce sont les enfants qui, par leur ingéniosité, tirent régulièrement leur oncle et leur grand oncle des faux-pas dans lesquels sont se sont fourrés.

Riri, Fifi et Loulou sont d’affreux garnements qui arrivent chez leur oncle Donald après une énième bêtise : ils ont mis un pétard sous les fesses de leur père, ce qui lui vaut quelques jours d’hôpital. La mère décide alors de confier les enfants son frère jumeau, Donald avant de “s’évaporer”. Donald et Della sont les enfants de Hortense Picsou et de Rodolphe Duck, deux canards au caractère trempé, et il est probable qu’ils aient assisté à de nombreuses scènes de dispute conjugale. Le caractère de ceux-ci s’améliore grâce à la patience de leur arrière grand tante maternelle (qu’ils appellent Grand-Mère Donald) et à leur inscription dans la troupe des Castor Juniors.

Gontran Bonheur est l’opposé de Donald. Ce cousin de notre héros réussit tout ce qu’il tente, multiplie les conquêtes féminines, a une chance éhontée alors que Donald échoue lamentablement les taches les plus faciles, est toujours victime du mauvais sort, et a une vie amoureuse des plus insatisfaisantes. La santé psychique de Gontran n’est cependant pas meilleure que celle de son cousin Donald. C’est un narcissique suffisant et prétentieux, incapable d’être en relation avec d’autres choses que l’image qu’il donne de lui même. Gontran est un oisif, qui attend tout du destin et est incapable de fournir le moindre travail.

La jeunesse de Picsou de Don Rosa lève quelques énigmes sur l’histoire de Picsou. On y découvre comment Balthasar Picsou devient “L’homme le plus riche du monde”. Mais le récit est surtout remarquable car il est une archéologie des modes de transmission inconscientes de la famille McPicsou. L’histoire des Duck  est l’histoire  d’une famille confrontée à plusieurs traumatismes et aux effets de ces traumatismes sur les générations suivantes sous la forme de revenants ou de fantômes.

mardi 22 janvier 2013

Des fantômes plein la tête

Une image publiée par Le Monde suscite beaucoup d’émois. On y voit un soldat de l’armée français portant sur la tête un foulard  sur lequel est imprimé une tête de mort. Le foulard couvre le bas du visage, tandis que le haut du visage est couvert par des lunettes de protection.. La pièce de textile donne une image “glaçante” du soldat, et a donné lieu à une réaction de l’état- major qui juge “inacceptable” un tel comportement.
Le foulard vient d’un Personnage Non Joueur de Modern Warfare II, le Lieutenant Simon "Ghost" Riley, ce qui a laissé quelques uns avancer que la culture des jeux vidéo a le tort d’esthétiser la violence. Le foulard du Lieutenant Simon "Ghost" Riley montre que les gamers sont en âge d’être sur des champs de bataille. Mais il appelle aussi d’autres remarques.
Les guerriers ont toujours pris soin d’avoir l’air redoutables sur les champs de bataille. Pour impressionner leurs ennemis, ils portaient des armures, des casques ou des parures terrifiantes. Mais ce soucis d’inspirer la terreur a toujours été accompagné d’un autre soucis : celui de paraitre beau. Les flying jackets des pilotes de la RAF sont aujourd’hui encore un modèle d’élégance et même un homme post-moderne apprécie la beauté du casque d’un hoplite. “L’esthétisation de la violence” que certains semblent craindre en voyant cette image n’est donc pas une chose nouvelle.
Communiquer la terreur
Les soldats ont deux types d’uniformes : un uniforme de combat, dans lequel ils font leur travail de combattant, et un uniforme d’apparat. Dans ce dernier cas, la tenue perd sa fonction de camouflage et de protection pour une fonction de communication. L’uniforme dit alors les faits d’armes du régiment ou de l’armée. Par les médailles et les grades, il témoigne des actions passées du soldat. Il se fait solennel et appelle au respect.
C’est cette fonction de communication qui apparait avec ce crâne grimaçant. Le vêtement est une parure dont les origines remontent sans doute au trophée de chasse. Qui porte une peau d’ours indique qu’il fait sienne la puissance de la bête qu’il a tué. Qui porte une peau de lion devient lui même un lion. Qui porte une tête de mort qu’il qu’il est lui même la mort. Il indique a l’ennemi qu’il ne voit pas un autre homme, mais seulement le visage de sa propre mort
Communiquer avec soi-même
Le costume n’a pas seulement une fonction de communication. Il est un dialogue que l’on tient entre soi et soi-même. Il est une sorte de discours intérieur dont nous nous enveloppons avec comme gain possible le fait de mieux comprendre ce que nous visons et pensons dans le fort de nos pensées
Un foulard avec une tête de mort n’est pas seulement un foulard avec une tête de mort, surtout si l’on est sur un champ de bataille. Il dit à tous ce qui n’est jamais dit en paroles : l’angoisse de la mort, les idées terribles que l’on peine à contenir pour soi, et qui ne peuvent être partagées en mots avec personne, le ventre noué,
Cette tête de mort dit aussi l’inavoué, voir l’inavouable. Elle dit que la guerre procure une excitation à une intensité que peu d’expériences peuvent atteindre. Qu’elle vous fait connaitre la solidarité comme aucune chose au monde ne pourra vous faire connaitre. Elle dit la fascination que nous avons tous pour la figure du guerrier, qu’il s’agisse du guerrier protecteur ou de celui qui porte l’assaut.
Prendre une position psychique
Les objets ne sont pas seulement les porte-parole de nos états internes. Ils peuvent aussi nous aider à adopter des attitudes psychiques. C’est d’ailleurs la fonction de l’uniforme que de faire abandonner à chacun ce qu’il peut avoir de personnel et adopter par tous des comportements, des idées ou des émotions. Prendre sur soi un objet, c’est aussi se préparer a laisser diffuser en soi l’imaginaire qu’il contient. Porter un foulard avec une tête de mort, c’est aussi se préparer à porter la mort. C’est abandonner ce que l’on est – un fils, un amant, un camarade de jeu, un père de famille, peut-être – pour devenir quelque chose d’autre  - un guerrier, un compagnon de guerre, un chien de guerre qui tue non pas pour assurer sa sécurité ou celle des siens, mais simplement parce qu’on lui a demandé de le faire.

Posez vous la question : si vous aviez à affronter la dure solidarité des hommes au combat, si vous aviez à tuer d’autres hommes, si vous aviez à faire ce que les autres hommes ne font jamais et que vous devrez en même temps, garder toute votre humanité, refuserez-vous l’aide de quelques artifices ?

mercredi 9 janvier 2013

Charte de bonne conduite à l’usage des parents qui ont un adolescent qui a un téléphone

Le Code de Bonne conduite de Janell Burley Hofmann est devenue en quelques jours une curiosité de l’Internet avec plus de 25K likes et 1500 tweets. Il signale l’inquiétude des parents vis à vis des usages que les adolescents ont de l’Internet. Malheureusement, il souligne surtout les préjugés d’une mère qui pense que la conversation téléphonique est quelque chose de moins que la conversation en face à face, craint la pornographie, exige que son fils réponde à chaque appel, ne comprend pas l’intérêt de capter des images ou d’écouter la même musique de des millions d’autres adolescents

Si vous souhaitez que votre enfant grandisse dans votre périphérie immédiate et ne développe aucune autonomie, c’est le bon guide a appliquer. Il suffit de suivre ces règles suffisamment longtemps pour arriver à ce résultat.

Si votre objectif est de concourir à la construction d’une personne libre, prenant des décisions seule, assumant le risque d’un échec dans ses entreprises, alors il faut faire autrement.

Voici les règles que je propose. Elles sont biaisées idéologiquement : je pense que les enfants n’appartiennent pas aux parents, que le travail de ceux-ci est de les aider à grandir, Je reconnais que cela prend du temps, de l’énergie, de l’angoisse et de l’argent, mais ce n’est pas une raison pour enfermer l’enfant dans des règles qui ne font qu’aménager le confort des parents. Deuxièmement, je pense que l’enfant est un être autonome depuis sa première respiration. Le travail des parents est d’assister l’enfant pour qu’il garde cette autonomie. C’est un travail difficile, tant l’enfant et les parents peuvent avoir de “bonnes” raisons et du plaisir à réduire cette autonomie

Voici les règles.

Règle 1. Le téléphone appartient à l’adolescent. Les parents ne sont pas autorisé à fouiller l’historique des appels, a explorer ses photographies, a contrôler ses navigations sur Internet, ou à checker son compte Facebook.

Un téléphone portable n’est pas qu’un téléphone portable. C’est une plateforme sociale et un espace privé. Il ne viendrait pas a l’esprit de parents d’écouter à la chambre de leurs enfants. C’est pourtant ce qu’ils font lorsqu’ils surfent sur les profils Facebook des amis de leurs enfants. Il pénètrent également dans la vie intime de leur enfant, à une époque ou la constitution d’espaces personnels, privés, loin du regard des parents est primordiale. Cette construction se fait avec des difficultés, des excès, des accros de la part de l’adolescent, et c’est pour cette raison qu’il est impératif que les parents n’interfèrent pas.

Règle 2. Le téléphone portable n’est pas une laisse.

L’enfant n’est pas obligé d’envoyer un SMS lorsqu’il arrive à la maison, ou de répondre aux appels des parents. La raison en est simple. Les parents n’ont pas a faire peser sur leurs enfants leurs angoisses de séparation. Reconnaitre le temps propre de l’enfant, c’est reconnaitre son autonomie. Les appels manqués seront objets de discussion pour comprendre la situation de l’enfant : qu’est ce qui l’empêche de répondre. C’est pour les parents, plus qu’un motif de colère, un excellent thermomètre des relations que leur enfant a avec eux

Règle 3. Le téléphone portable n’est pas un otage

L’utilisation du téléphone portable ne doit pas être soumis aux aléas relationnels que les parents vivent avec leur adolescent. D’une part, parce que il n’est pas possible de prendre ce qui a été donné, ou alors on part de l’idée qu’aucune parole ne vaut, et que tout peut être remis en question simplement parce que un parent l’a décidé. Après avoir “repris” le téléphone, il sera peut être possible de reprendre des vêtements, où le mobilier de la chambre ? Pourquoi pas des livres ?  Ensuite, parce que donner des punitions à un enfant, ce n’est pas l’élever mais le rabaisser (et se rabaisser soi-même)

Il faut prendre conscience que le système des punitions est inefficace ou contre-productif. Lorsqu’un enfant est “éduqué” à coups de punition, il a deux stratégies possible. Soit il se soumet – et si vous voulez élever un être autonome, vous avez manqué votre objectif.  La seconde stratégie est encore pire : l’enfant renonce à ce qu’il aime et ce qui est important pour lui. Il se détache des objets que ses parents lui retirent. Mais il se détache également de ses parents. Dans les deux cas, c’est perdu-perdu.

 

Parents, seriez-vous prêts à signer cette charte ?