Le réseau Internet a une place et une importance qu’aucun média n’a eu avant lui parce qu’il est d’abord un réseau des usagers pour les usagers. Je n’ignore rien du fait que les grandes compagnies comme Google, Facebook, ou Microsoft ont un poids très important sur le réseau et ses utilisateurs ni que des gouvernement peuvent intervenir de façon sensible sur l’Internet. Mais parce que le réseau permet de faire des choses et d’en avoir une image, il est régulièrement utilisé comme bac à sable et comme miroir.
Utilisé comme bac à sable, le réseau permet d’expérimenter des modalités de rencontre et de séparation avec l’autre. L’Internet permet de dessiner encore une fois une carte du tendre, avec ses codes amoureux pour les premières fois comme pour les ruptures. Le réseau permet d’avancer dans une relation à son rythme, et d’être respectueux du rythme de l’autre.
Comme miroir, le réseau permet de valider certains aspects de soi. L’intimité y est vécue moins en relation avec l’espace et davantage en relation avec l’intentionnalité (Tisseron, 2011). Autrefois, l’inimitié était bâtie autour d’espace (la maison, les toilettes, la chambre) et de fonctions corporelles (dormir, faire l’amour, ). Elle concerne aujourd’hui aussi des espaces dématérialisés (comptes emails, réseaux sociaux)
L’internet offre donc des possibilités mais celles ci ne peuvent véritablement être utilisées que si l’individu a les outils psychologiques pour les utiliser.
La rencontre avec l’autre et la valorisation de certains aspects de soi se construisent dans les premières interactions avec de l’enfant avec sa famille. L’intimité ne se construit que si les soins ont été suffisamment chastes, que le corps de l’enfant, ses territoires physiques et psychologiques ont été respectés comme des territoires inviolables. L’estime de soi dépend à la fois de l’investissement des parents et de la manière dont ils acceptent que l’enfant les désidéalise peu à peu.
Si la construction de soi est insuffisante, la rencontre sur Internet se gâte ou n’a pas lieu. Le pseudonymat n’est plus une occasion d’exploration de soi ou des autres, mais l’occasion d’attaques agressives ou perverses. Les autres ne sont plus des partenaires pour la communication, mais investis comme des objets dont on peut librement disposer. L’internet est moins un espace social dans lequel chacun se présent qu’une arène dans laquelle il s’agit de recevoir les vivats de la foule.
Il est évident que les adultes de demain auront à faire quotidiennement avec l’Internet. il me semble tout aussi évident que nous devons préparer les enfants d’aujourd’hui. Cette préparation ne pas par des sensibilisations aux matières numériques, comme les twittclasse. Les Twittclasse sont des expériences à soutenir et a développer. Mais il faut aussi agir en amont.
En effet, pour pouvoir utiliser des objets dématérialisés, il faut avoir joué suffisamment longtemps avec des matières solides. Il faut avoir joué avec de la terre et ses aliments pour pouvoir utiliser de façon créative les images d’objets qui sont dans le cyberespace. Il faut avoir l’expérience de la sensorialité du prendre, du lâcher, du faire trace pour éviter d’utiliser l’Internet comme un réservoir à sensations. Il faut avoir une expérience suffisamment bonne de la séparation, pour éviter de rester collé a un écran a attendre encore-une-autre-mise-à-jour. Il faut avoir une construction de la relation suffisamment solide, pour résister aux tentations de manipulation, d’agression ou d’humiliation de l’autre. Tout cela se construit tout au long de la vie, mais les fondations en sont posées dans les premières années.
Plus les adultes interagissent dans un monde dématérialisé, plus il est important qu’ils aient vécu comme enfants des expériences satisfaisantes avec des objets et l’environnement humain.
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