Terminator Les chroniques de Sarah Connor ou la folie à deux : Sarah Connor est une femme qui élève seule son fils John. Si l’enfant est à la limite de la délinquance, la mère vit elle dans un univers paranoïaque. Elle est attaquée par des robots surpuissants venant du futur; son fils sauvera le monde; le père de l’enfant est un homme du futur; le monde court à sa destruction; son fils est à l’origine de son propre engendrement (il a envoyé son père rencontrer sa mère). Tous les efforts, toutes les pensées, toute la volonté de Sarah Connor est tournée vers ce seul objectif : former son fils à devenir le leader de la Résistance. Lui seul pourra faire face lorsque le monde ne sera qu’un champ de ruines.
L’univers de la famille n’est pas seulement paranoïaque : partout, des ennemis, et sous la chair de n’importe qui peut briller l’éclat sans pitié d’un terminator. Il est aussi apocalyptique et messianique : le monde court à sa perte; il sera sauvé par un enfant. Petit à petit, la paranoïa de la mère se transmet à son fils qui se met à endosser ses visions.
Les Simpsons ou le chaos : la famille Simpson n’est pas un modèle du genre en terme d’équilibre. Homer est paresseux, menteur, alcoolique et violent. Marge est dépressive. Elle est retranchée dans des tâches ménagères et enfermée dans un univers de (bonnes) convenances. Bart est délinquant, Maggie a un retard important de développement. Lisa semble être celle qui va le mieux, mais malgré son intelligence, elle peine souvent à établir des contacts vrais avec les autres ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’une compensation névrotique. La famille est dysfonctionnelle parce que livrée aux chaos des désirs individuels. Chacun y fait ce qui lui plait : Homer se laisse aller à toutes les régressions et tous les plaisirs, Bart est dans la transgression permanente, Lisa est dans le sur-investissement de la sphère intellectuelle, Maggie est renfermée dans le mutisme et se laisse porter par sa mère et Marge s’épuise en tentant de contenir et de faire tenir ensemble tout ce beau monde.
Breaking bad ou la situation de crise : la famille White est une famille ordinaire. Les ressources y sont parfois un peu juste, ce qui oblige Walter White a doubler son emploi de prof de chimie par un emploi dans une laverie d’automobile. Les White ont un grand fils, et attendent un autre enfant. La famille vit tranquillement entre travail et barbecues les samedis. L’annonce d’un cancer et surtout le cout exorbitant du traitement poussera Walter a utiliser ses compétences en chimie pour produire et vendre une puissante drogue, la méthamphétamine. L’annonce du cancer plonge la famille dans une crise catastrophique. Walter qui s’était toujours tenu du bon coté de la loi s’enfonce alors dans des transgressions de plus en plus graves.
La petite maison dans la prairie ou les normopathes. La famille Ingals est une famille modèle. Charles Ingals est connu pour son courage et sa générosité. Il est adroit des ses mains et ses talents de menuisier ébeniste sont recherchés. Son épouse Carole Ingals est une épouse dévouée et une mère exemplaire. Elle élèvera au total huit enfants. Pourtant, malgré toutes ces qualités, la famille n’arrive pas a sortir de la grande pauvreté dans laquelle elle vit. Quelque chose échoue à transformer toutes ces qualités en richesses. Il y a quelque chose de la normopathie dans la famille Ingals (seule Laura y échappe) : l’obéissance aux règles et aux valeurs du groupe valent par dessus tout. L’agressivité que l’on peut ressentir, l’envie que ne manque pas de susciter tous ceux qui sont plus riches, est activement réprimée. Si l’on en croit l’impossibilité des deux filles ainées à avoir des enfants, cette répression est chèrement payée
Je ne pense pas que la famille Ingalls tend à devenir riche. J'ai plutôt l'impression qu'elle représente un idéal opposé à la famille Oleson symbole du mercantilisme. Le père parfait, la mère parfaite et les enfants quasi-parfaits sont perçus à travers le prisme de l'illusion groupale.
RépondreSupprimerDans Breaking Bad, n'omettons pas de préciser que la mère est une grosse feignasse qui laisse son mari cumuler deux boulots au lieu d'aller bosser elle-même alors qu'elle a un fils quasi-autonome (ce qu'elle refuse de voir).
RépondreSupprimerSans vouloir vraiment critiquer, j'ai envie de faire à propos de Sarah une critique à la Deleuze, pour dire que parler de délire "familial" dans ce cas est peut-être un peu exagéré, dans la mesure où l'on assiste bien à une démesure géographique, une déterritorialisation radicale puisque le temps lui-même devient espace de pérégrinations...
RépondreSupprimerCeci pour dire que Terminator, Supernatural, Angel... pourraient peut-être être classés au chapitre des contes américains contemporains: leur mise en scène très explicite, très premier degré qui ne se cache pas, de la crasse, de la pauvreté américaine, des "ploucs" et des "bas-fonds", d'un peuple américain... pourrait peut-être les placer du côté d'une façon pour l'amérique de l'intérieur de se penser au sein de la mondialisation, n'importe quel patelin américain aussi "périphérique" qu'une banlieue de New-Dehli.
Et dans ce cadre-là, qui est le même que le plus intellectuel "Grand Torino" de l'ami Clint, la "paranoïa" est ce que les anthropologues ont appris à appeler, parce qu'elle est si bien partagée aujourd'hui par les imaginaires politiques du monde entier "la cartographie cognitive du pauvre" selon une expression de Frederik Jameson. Car le sentiment paranoïaque n'est pas toujours sans raison. Voir notamment: George E. Marcus (dir.), Paranoia within Reason: A Casebook on Conspiracy as Explanation. Chicago, University of Chicago Press, 1999.
Autrement dit il ne faudrait pas trop vite "pathologiser" le phénomène, au risque comme souvent en stigmatisant les émotions de priver de parole ceux qui n'ont pas acquis la culture d'exprimer leurs positionnements politiques autrement.
Manuel Boutet (http://manuel.boutet.free.fr)