mardi 7 septembre 2010

Lotorité

Bingo 1 to 9 squircle mosaic

Depuis quelques temps, on voit fleurir dans les magazines féminins des articles sur l’éducation des enfants. Il s’agit là d’un sujet aussi infini que passionnant, hélas l’angle abordé est trop souvent l’autorité. Les choses se passent comme si éduquer un enfant était le soumettre à l’autorité des adultes. Il y a là au moins deux erreurs. La première consiste à réduire l''éducation à la question de l’autorité. Ou sont l’accompagnement ? La découverte ? Le soutien ? La transmission ? La seconde est de penser qu’un enfant éduqué est un enfant soumis.

On en arrive a des “conseils” qui justifient tout simplement la violence des grandes personnes envers les petites personnes. On trouve par exemple dans Avantages n° 265 du mois d’Octobre 2010 un encart3 bonnes façons de le “mater”” qui est tout à fait explicite. L’illustration redouble la violence du texte : une femme, la main levée, est derrière une enfant et la menace. Si un parent a quelques doutes quand à la violence qu’il peut exercer sur son enfant, les voilà rapidement effacés. Ou y apprend que “mater” son enfant, c’est faire preuve d’autorité et cela est une bonne chose qui donne envie de grandir, aide à supporter les frustrations et rassure.

Que la violence des adultes donne envie de grandir, tout enfant qui en a fait les frais pourra le dire : tous rêvent d’être aussi grand que leur agresseur pour pouvoir se défendre ou lui rendre la pareille. Et une fois devenus grands, certains réussissent a réaliser ce désir auprès de leurs propres enfants.

Que supporter la frustration soit un but éducatif est tout simplement une perversion de l’éducation. Eduquer un enfant ce n’est pas le former à être passif devant les obstacles mis devant ses désirs. C’est l’aider à reconnaitre ces désirs et l’aider à construire les moyens de les réaliser lorsqu’ils sont conformes à l’éthique de sa société.

Enfin, que l’autorité rassure est vrai pour autant que l’on soit au contact d’un adulte qui ait autorité sur ses propres pulsions. En quoi est ce que éducatif de demander à un enfant de sursoir à ses désirs quand on est soi-même incapable de suspendre ses propres désirs agressifs ?

Car, disons-le clairement. Il n’y a qu’une seule raison qui justifie le fait d’être violent avec un enfant. La force. L’enfant est petit, incapable de se défendre. L’adulte peut donc se laisser aller en toute tranquillité à sa violence. La culpabilité qu’il risquerait de ressentir est par ailleurs amoindrie par des “conseils” tels que ceux qui sont donnés par l’article. Pourquoi se priver d’être violent alors que c’est pour le “bien” de l’autre ?

Jusqu’à cinq ans, c’est adulte qui décide” peut-on lire Et plus loin “On a pas à lui expliquer pendant des heures pourquoi il doit se coucher , c’est au-delà de sa compréhension. On le met au lit. point”. Mais comment quelqu’un peut-il décider du désir de dormir de quelqu’un d’autre ? Et comment un enfant, même à 1 jour de vie, ne peut il pas comprendre qu’il est au bord de quelque chose qui lui est utile est nécessaire, et qu’il n’arrive pas à accéder ?

Les mesures du type “c’est l’adulte qui commande” ne servent qu’à créer de la souffrance et de la névrose. Ou l’enfant grandira en étant révolté comme toute sorte d’autorité, ou il se montrera incapable de faire preuve d’esprit critique dès lors que l’autorité sera invoqué. Dans un cas il sera inadapté à la société parce que en lutte avec les fantômes de son passé. Il révoltera sans cesse devant toute devant toute forme d’autorité.  Dans l’autre, il sera très adapté à la société mais passera sa vie à être exploité par les autres, et parfois même par ses propres enfants.

L’autorité dont il s’agit dans l’éducation est une autorité sur soi-même. Pas sur l’enfant. C’est avoir autorité sur ses propres pulsions, sur son agressivité comme sur ses désirs sexuels qui éduque un enfant par la force de l’exemple. Faire preuve d’autorité avec un enfant, c’est moins lui interdire que le défendre. C’est parce que la réalisation d’un désir sous cette forme là lui est préjudiciable qu’il lui est demandé d’y sursoir. Et cela nécessite, parfois, un accompagnement.

Par exemple, laisser un petit enfant incapable de s’endormir seul dans sa chambre, c’est lui faire faire l’expérience de l’esseulement et de l’abandon. C’est lui donner les briques avec lesquelles il va construire sa névrose. C’est jouer au Loto avec son psychisme. C’est, tout simplement, le maltraiter. Prendre le temps de l’accompagner vers le sommeil, c’est reconnaitre avec lui la nécessité du sommeil et la difficulté dans laquelle il est de l’obtenir, et c’est lui donner l’expérience qu’il est soutenu.

 

Les enfants, leurs difficultés passagères ou durables, sont un miroir tendu aux adultes. Trop souvent, les adultes s’effraient de l’image qu’ils perçoivent  et réagissent agressivement. Mais il y a là aussi des occasions de richesses extraordinaires : l’exercice de la reponsabilité, la rencontre avec un autre être humain, la reconnaissance de l’autre dans ce qu’il a de différent

 

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Crédit photo : Bingo 1 to 9 squircle mosaic par Leo Reynolds

6 commentaires:

  1. Merci pour cet article que je trouve bien intéressant. Je suis choqué cependant par votre condamnation sans nuance des parents qui choisissent de laisser leur enfant pleurer avant qu'ils ne trouve le sommeil. Que de bourreaux qui se croyaient des parents attentionnés !

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  2. Trop beau. Mais j'ai une vraie question (pour une fois ;-)). Que dire de son droit à être fatigué un soir, à pas avoir envie ce soir, à continuer à discuter avec ses invités...situation souvent plus complexe à gérer car plus nuancé. De la place de ses désirs hors de l'enfant, qui demande à faire sans lui ce soir
    , etc. Maltraitance ?

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  3. Merci pour ce papier qui me conforte dans ma réflexion. Mes filles ont été victimes de la violence de leur père, pas une violence aveugle, non une violence éducative, pour leur bien. Une de mes filles a fait un blocage scolaire. Les autres l'ont également très mal vécu. Il a fallu la séparation de notre couple, cela a été très douloureux pour nous tous. Que ces clichés d'un autre âge soient relayés par la presse grand public me scandalise.

    A Amar : On craque tous un jour. Mais à partir du moment où l'on reconnaît qu'il s'agit de fatigue ou de désir personnel et non d'autorité et d'éducation, il me semble que vis-à-vis des enfants, c'est très différent. C'est la réalité de la vie. Mais il faut le leur expliquer.

    Nous sommes beaucoup à reproduire les schémas avec lesquels nous avons été élevés. Comme celui de laisser pleurer un enfant. Mais si on veut bien prendre en compte l'angoisse des enfants, et nos propres souvenirs, il faut bien admettre que ces diktats ont vécu.

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  4. Encore un article qui ne veut rien dire, ou on confond allègrement "autorité" et "autoritarisme"... L'autorité est nécessaire à l'enfant, c'est elle qui permet de l'aider à se construire paisiblement en ne lui donnant pas une responsabilité d'adulte, un poids d'adulte dans les choix à faire et en lui permettant par cela même de profiter pleinement de sa vie d'enfant. Choisir ses habits, un enfant peut le faire seul, choisir un loisir (à partir d'un certain age) aussi, choisir si on part en vacances ou pas... Le choix est trop complexe et les enjeux aussi ! Un enfant n'a pas à porter le poids de la décision pour quelque chose qui engage la famille entière... C'est le rôle des parents, sinon, à quoi servent les parents ???

    Dommage qu'un article qui se veut "psychologique", se contente de rester dans la généralité floue et inutile.

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  5. D'accord avec Helo, il y a confusion des genres. C'est de la frustration que naissent l'envie et le désir : de se dépasser, d'aller plus loin que ses limites (ou celles que posent les autres) et que ses peurs. L'autorité (qui peut s'exercer sans autoritarisme ni violence) est légitime, car elle donne l'exemple de la vie en société.Obéir n'est pas subir, c'est juste comprendre et respecter la règle, et se l'approprier. Et c'est parce qu'il y a des règles que nous pouvons tous vivre ensemble, sans subir la toute puissance de l'autre. Or les enfants ont de grande facilité a prendre le pouvoir. la preuve, ils réussisent même à influencer les psys !

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  6. vous touchez là un point sensible, j'en veux pour preuve certains commentaires déposés là.
    Quant à moi, je suis heureuse de vous lire !
    Je ne vois pas de "généralités" et/ou de "confusion de genre", bien au contraire, j'y vois une belle mise en lumière de la limite entre les 2 (mince je vous l'accorde, c'est bien pour cela que bcp sombre du côté obscur de la force !).
    Mon rôle de parent n'est pas de décider à la place de mon enfant mais bien de le guider pour qu'il puisse prendre confiance en lui & devenir conscient & responsable dans ses choix....je ne crois pas que choisir même son activité de loisir à sa place l'aide vraiment vers cela.
    Votre article & ses réactions nous montrent bien aussi que nos philosophies autour de l'enfant & du parentage ne sont pas les mêmes !

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