Le temps que les enfants passent avec les jeux vidéo conduisent souvent les adultes à de fausses conclusions. Ils confondent l'intéret ou la passion de l'enfant pour le jeu vidéo avec la compétence à jouer. Dans la très grande majorité des cas, il n'en est rien. Il a une expérience limitée du jeu qu'il devra petit à petit développer en construisant une littératie vidéo ludique.
Les premières définitions de la littératie sont très liées liée au texte. Elle correspond à la maîtrise nécessaire qu’une personne doit avoir pour lire et écrire un texte. Dans un second temps, la littératie a été définie par 1) la capacité à encoder et décoder des informations quelque soit le contexte et le support d’information; 2) la capacité à comprendre et utiliser l’information écrite dans la vie courante et 3) la capacité à utiliser ces informations dans un texte social et culturel. C’est elle qui permet de faire la différence entre une notice de montage et un roman, entre un roman noir et un roman d’héroic fantasy ou encore entre un bon roman et un mauvais roman. Du fait du développement de nouveaux médias, les frontières de la littératie ont été à nouveau augmentées. La littératie a été appliquée a touts les média puisqu’il a été question de été question de littératie visuelle, cinématographique, ou encore numérique. La littératie s’est alors rapprochée du sens du mot “culture”
De la même façon que nouvelles formes de communications nécessitent de nouvelles littératies (COPE et KALABNTZIS, 2000), les jeux vidéos nécessitent la constructions de compétences qui permettent de les utiliser, de les comprendre et de les produire. L’idée d’une littératie liée aux jeux vidéo a tout d’abord été amenée par SPENCER (1986) qui a introduit l’idée de “littératies numériques”. Les jeux vidéo faisaient alors partie d’un ensemble de nouveaux média numériques dont la maîtrise devaient être prise en compte par les enseignants. L’importance des jeux vidéo dans les processus d’apprentissage a largement été commenté par GEE (2003) qui fait remarquer qu’il n’est possible de jouer aux jeux vidéo qu’après avoir fait les apprentissages nécessaires. En d’autres termes, les joueurs doivent acquérir une nouvelle littératie. Pour GEE, la littératie est la capacité de décoder, à la capacité à comprendre des significations dans un domaine sémiotique et de la capacité à produire des des significations dans un domaine sémiotique. Concrètement, cela signifie que certains énoncés ne peuvent être compris que que dans un domaine sémiotique particulier. Lorsque l’on parle de la “lucarne” au football, il ne s’agit plus d’une petite fenêtre sur un toit pentu mais de l’angle formé par un poteau et la barre transversale d’un but.
En s’appuyant sur GEE, ZAGAL définit la littératie numérique par 1) la capacité de jouer; 2) la capacité de comprendre des significations au regard des jeux; 3) la capacité de faire des jeux. Ces littératies sont emboîtées car la capacité à jouer précède la compréhension et cette dernière est un préalable à la construction. Cependant, ZAGAL considère également que la capacité à jouer à un jeu vidéo peut englober davantage que la connaissance des règles, des buts et la maîtrise de l’interface du jeu. La capacité à participer à des pratiques sociales et des communications en ligne est par exemple un élément important
Contrairement à l’écriture, la littératie des jeux vidéo est d’emblée ouverte sur le plaisir. Alors que l’apprentissage de l’écriture est présentée comme un travail qui peut une fois la technique acquise déboucher sur le plaisir de la lecture, le jeu vidéo est d’abord et avant tout un plaisir. Les enfant apprennent parce qu’ils jouent, ils ne jouent jamais pour apprendre quelque chose. La seconde différence avec le texte tient au fait que le jeu vidéo est une pratique sociale là ou la lecture est une pratique individuelle. Jouer, c’est toujours jouer avec d’autres. C’est faire partie d’une communauté qui échange sur ses expériences, partage ses “trucs”, réfléchit des stratégies et construit des légendes
Comment s’exprime cette littératie dans un jeu vidéo ? Tout d’abord par la capacité à jouer. Le joueur “lettré” s'approprie rapidement un nouveau jeu en s’appuyant sur ses connaissances ou en explorant les possibilités d’action. La maîtrise du lexique est un autre élément important important. Chaque jeu un un vocabulaire particulier : frag, gank, heashot, campeur, kite, farmer, hardscope, AoE sont des termes issus de plusieurs genres de jeux vidéo. Savoir les utiliser en contexte est le signe d’une bonne littératie. Lorsque la maîtrise est suffisante, le joueur peut comprendre le sens métaphorique d'une phrase “j’ai pris l’aggro du prof du math parce que j’avais pas la quête du jour” Cet énoncé signifie “j’ai reçu des remontrances du professeur parce que j’avais pas fait les devoir”. Mais le fait d’utiliser le vocabulaire des MMORPG donne a un oubli banal une connotation épique. Il n’y a plus un élève et un professeur mais un Héros qui doit faire face aux plus grands dangers.
Un joueur peut maîtriser les déplacements dans un FPS ou un arbre de développement dans un jeu de stratégie, il ne comprend pas ce qu’il fait s’il en reste à ces opérations. Pour être joué, un jeu vidéo doit être suffisamment compris. Le joueur doit saisir les implicites du jeu. Il doit également construire un sens du jeu qui lui permet d’anticiper les actions de ses opposants. La compréhension du jeu permet au joueur d’aller au delà des règles explicites et de prendre en compte les règles que la communauté de gamer a construites. Par exemple, dans les FPS, le hardscope (regarder longtemps dans la lunette de visée) est très mal considéré. Enfin, cette compréhension permet de suivre des parties en
Enfin, le dernier élément a prendre en compte est celui de la production. Avoir une bonne littératie vidéo ludique signifie être capable de produire des contenus en lien avec les jeux vidéo. Le Guide Stratégique du Raid Lycée en est un bon exemple parce qu’il traduit une l’expérience (la vie au lycée) en une autre (le Raid dans un MMORPG). Les Tutoriaux sont un autre exemple de production liée aux jeux vidéo. Il s’agit de guides de jeu rédigés par des jouers expérimentés qui aident les novices à venir à bout des difficultés qu’ils rencontrent dans leurs parties. Les fan fictions sont une autre manière de prolonger l’expérience du jeu vidéo en racontant un histoire dont le héros est un personnage d’un jeu vidéo.
- ÉVALUER LE NIVEAU DE LITTERATIE
Il est important que les parents évaluent correctement le niveau de littératie vidéo ludique de leur enfant. Passer des heures a jouer a Minecraft n’est certainement pas un indicateur suffisant d’une bonne littératie. Les parents doivent donc prendre le temps d’observer quelques parties de leurs enfants, et surtout avoir des conversations avec eux sur leur passe temps préféré. Un parent peut ne rien comprendre à une partie de League of Legend mais la discussion qu’il aura avec son enfant sur ce jeu lui donnera des indicateurs fiables sur son niveau de littératie vidéo ludique.
LA LITTÉRATIE VIDÉO LUDIQUE
| |
NIVEAU
|
COMPÉTENCE
|
Basique
|
Maîtrise les mouvements de base
Maîtrise les éléments de l’interface (sauvegarder / charger une partie)
Joue de façon indépendante
Comprend quelques éléments du jeu
|
Intermédiaire
|
A une compréhension complète du jeu
Peut effectuer des mouvements complexes
Lit les informations données par le jeu
Comprend les tableaux de fin de partie
Maîtrise les réglages avancés
Identifie les genres des jeux vidéo
Se documente sur Internet
|
Avancé
|
Maîtrise avancée des mouvements
Écrit des tutoriaux
A une bonne vision des niveaux tactiques et stratégiques du jeu
Identifie les qualités et les points faible des jeux
Fait une bonne analyse de ses parties
|
Il est important d'identifier les différents niveaux de littératie vidéo ludique des enfants. Les parents pourront ainsi les aider à avoir une expérience la plus complète possible. Le but n'est pas de transformer tous les enfants en joueurs avancés, mais de les aider à mieux s'évaluer et à en tirer des conséquences pour eux même. Un enfant pourra ainsi comprendre que le niveau auquel il rêve dans Call of Duty ne lui est pas accessible parce qu'il n'a pas les compétences ni le temps pour s'entrainer. Il pourra alors choisir de jouer simplement au niveau qui est le sien ou de se tourner vers un autre type de jeu.
Lorsque le niveau Basique est atteint, l’enfant est capable de est capable de jouer seul. Cette indépendance est possible parce qu’il sait charger et sauvegarder une partie et maîtrise les mouvements de base. Sa compréhension est suffisante pour jouer mais beaucoup d’aspects du jeu lui échappent.
Au niveau Intermédiaire, le joueur a une compréhension complète du jeu. Il a une idée précise de ce qu’il doit faire pour gagner et peut effectuer les combinaisons complexes qui lui permettront de se rapprocher de cet objectif. Pendant les parties, il lit les instructions du jeu. Il analyse et prend des décision à partir d’informations qu’il actualise sans cesse. Lorsque le jeu présente un tableau récapitulatif, il utilise ces informations pour analyser la partie et améliorer son jeu. Il maîtrise les aspects techniques du jeu. Par exemple, il pourra modifier quelques réglages de la box Internet pour avoir une meilleure connexion, ou les réglages d’affichage de son écran pour une meilleure fluidité. Il est capable d’identifier les différents genres des jeux vidéo. .Enfin, il prépare ses parties en se documentant sur Internet
Les joueurs Experts ont une maîtrise avancée des mouvements. Pour donner un ordre d’idée, un joueur professionnel d’un jeu de Stratégie Temps Réel peut faire 400 Actions Par Minute là ou un jouer Intermédiaire fera 130 actions par minutes. Sa maîtrise du jeu peut l’amener à partager ses connaissances avec des tutoriaux. Pendant les parties, il a une vision du jeu. Il analyse correctement les niveaux tactiques et stratégiques. l’anayse qu’il fait de ses parties lui permet d’améliorer son jeu.
On ne naît pas gamer, on le devient. Les joueurs de jeux vidéo doivent acquérir une littératie vidéo ludique pour pouvoir jouer efficacement. L'identification du niveau de littératie atteint et des obstacle au développement des compétences qui permettent de jouer est un élément décisif auquel les parents doivent prêter attention.
Trois niveaux de compétence seulement ? J'aurais pris la matrice de Dreyfus qui permet de distinguer le Compétent et l'Expert. Beaucoup d'enfants ne peuvent pas devenir Experts par manque de temps et d'ascèse (et ne comprennent pas la solitude associée au statut) mais ils peuvent devenir davantage que des joueurs de niveau intermediaire...
RépondreSupprimerC'est à dire que Zagal ne concentre pas spécialement son travail sur la littératie elle-même mais plutôt sur la question "comment celle-ci peut s'acquérir". De même, la définition d'un "expert en jeu vidéo" supposerait un tros gros travail étant donné la multiplicité des cadres d'analyse (expert en tant que casual, hardcore, speedrunner, e-sport...), chose qui n'est pas la volonté de l'auteur. Ce dernier se concentre principalement sur une possible acquisition de cette littératie dans un cadre pédagogique (scolaire et universitaire) où un enseignant accompagne les apprenants à avoir une démarche réflexive sur le jeu auquel ils jouent :)
Supprimer